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Maxwell[1], le P. Secchi[2], où ces matières sont traitées avec toute l’autorité que donne la science positive, on se sent pris d’un sentiment de défiance bien naturel, car il semble que ces savants ne sont pas eux-mêmes bien convaincus de la nécessité des systèmes qu’ils nous proposent. Ils ne parviennent pas à traduire complètement leurs hypothèses dans la langue trop précise de l’algèbre, et se rejettent à tout propos dans des généralités difficiles à contrôler par des chiffres, et des mesures. On ne peut donc s’empêcher de penser que d’autres hypothèses, à peu près aussi naturelles, englobant d’autres faits en nombre égal, et pouvant au même titre prétendre à l’universalité, ne manqueront pas de se produire en assez grand nombre encore avant que l’ensemble des théories physiques ait trouvé sa véritable base.

Le caractère commun de tous les essais de synthèse tentés jusqu’ici consiste dans l’emploi d’un milieu universel que l’on identifie avec l’éther lumineux, et sur la constitution duquel les hypothèses diffèrent beaucoup. Comme il ne s’agit de rien moins que d’expliquer l’ensemble des phénomènes physiques et chimiques, par les propriétés de ce milieu à savoir : les actions réciproques de ses parties constituantes, et les réactions qu’elles exercent sur les éléments de la matière pondérable, on ne saurait être surpris ni de la complication des hypothèses que l’on est obligé d’introduire, ni du manque d’accord qui règne à cet égard entre les savants. La conception du milieu universel s’est introduite dans la physique moderne par la théorie lumineuse des ondulations, et semble avoir conquis dans ces dernières années l’adhésion de presque tous les savants, aux dépens de l’idée newtonienne de l’action à distance, qui régna sans contestation pendant tout le xviiie siècle. L’Angleterre même, patrie de Newton, semble aujourd’hui avoir renoncé à la philosophie qu’il inaugura, et on ne lira pas sans étonnement la conclusion un peu divertissante d’un mémoire[3] sur l’atomistique publié en Allemagne, où l’on déclare que les travaux de Newton, en détournant l’attention des recherches de Gassendi et de Boyle, ont dévoyé les sciences expérimentales, et retardé de deux siècles les progrès de la vraie physique.

L’originalité de la nouvelle tentative qui se trouve exposée, d’après Weber, dans le livre de M. Zœllner, consiste justement dans un retour à l’idée newtonienne, que l’auteur cherche à allier à la notion de milieu universel. D’après lui l’éther est formé d’atomes doués d’un pouvoir attractif ou répulsif, véritables soleils de ce monde ultra-microscopique, et qui gravitent d’après les lois de l’action à distance. Jamais peut-être l’emploi des mathématiques n’a été poussé plus loin dans la discussion d’idées purement philosophiques, et tous les savants,

  1. Maxwell. — Philosophical Magazine, passim, et Traité d’électricité et de magnétisme.
  2. Secchi. — L’unité des forces physiques.
  3. Lasswitz, Annales de Poggendorff, CLIII, 1834.