Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, IV.djvu/20

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
10
revue philosophique

le point d’intersection des lois générales : ils enferment un élément contingent ; mais en même temps ils ont entre eux une dépendance mutuelle, et aboutissent à la réalisation d’un ordre intelligible.

C’est donc simplifier artificiellement le problème, que de réduire l’objet de l’histoire de la philosophie, soit à une dialectique de concepts, soit à une juxtaposition de doctrines : il entre dans cet objet une part de nécessité et une part de contingence. Le problème réellement donné consiste à se rendre compte de la présence simultanée de ces deux éléments, en apparence contradictoires, et à en déterminer au juste la nature, la proportion et les rapports.

Ce problème n’est autre que celui de l’essence de la liberté humaine, et du rapport de cette liberté avec le hasard et la nécessité. M. Zeller l’a traité en détail dans son étude « sur la liberté de la volonté humaine, sur le mal et sur l’ordre moral du monde » (Theol. Jahrb. 1856, 1847) ; et aujourd’hui même il renvoie[1] à cette étude le lecteur désireux de connaître sa doctrine à cet égard.

La liberté, dit-il, peut être considérée sous trois aspects. Il y a d’abord la liberté métaphysique, qui est le pouvoir de se déterminer par soi-même, ensuite la liberté physique ou formelle, communément appelée libre arbitre, qui est le pouvoir d’agir d’une manière contingente, au sens propre du mot, enfin la liberté morale ou relative au contenu de la détermination, qui est la libre soumission de la volonté aux lois objectives. La seconde de ces trois libertés, la liberté formelle ou libre arbitre, est intermédiaire entre les deux autres. Elle a sa condition dans la liberté métaphysique, et sa fin dans la liberté morale.

On n’élève point d’objections importantes contre l’existence de la première et de la troisième. Un matérialisme excessif peut seul nier la spontanéité de la volonté ; et quiconque reconnaît l’existence d’un « devoir » admet que l’homme est moralement libre, dans la mesure où sa volonté est ce qu’elle doit être.

C’est sur la réalité du libre arbitre que se concentrent principalement les discussions. Agité jadis par les Stoïciens et les Péripatéticiens, ce problème a pris une grande importance dans l’église chrétienne. Il a été scruté par de nombreux philosophes modernes, par Kant, Schelling, Schleiermacher, Romang, Sigwart, Herbart, Hegel, Daub, Frauenstaedt, Vatke, J. Müller, Rothe, etc. Hegel est d’ordinaire considéré comme l’ayant résolu dans le sens déterministe. Son système, au fond, n’entraînait pas nécessairement cette conséquence ;

  1. Phil. d. Gr., 4e éd., vol.Ier (1876), p. 9.