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s’en rendre compte, l’impulsion reçue de ses devanciers ? Nullement. Il recherchait, en ayant conscience du but de son travail, « cette belle simplicité qui nous charme dans les moyens de la nature[1], » et lorsqu’il place la loi d’inertie à la base de tous ses travaux, le grand argument qu’il invoque à l’appui de cette loi est celui de la simplicité[2]. Dans son histoire des fondateurs de l’astronomie, M. Joseph Bertrand signale, au moins neuf fois, l’influence exercée sur les progrès de la science par l’idée de la simplicité des lois de la nature ; et ce fait est d’autant plus significatif que l’ouvrage de M. Bertrand n’est point écrit au point de vue spécial de la logique[3].

Si de l’astronomie nous passons à la physique, nous trouverons les grandes hypothèses dirigées par le même principe. Dans un discours prononcé à la Société helvétique des sciences naturelles, réunie à Genève en 1845, M. De la Rive indiquait la substitution de la théorie de l’ondulation à la théorie de l’émission comme l’idée dominante de la physique, au XIXe siècle : « Cette idée dont la conception est moins facile et qui se prête avec plus de peine au calcul, a pourtant sur la précédente une supériorité incontestable par sa simplicité réelle et par son degré plus grand de généralité. Un seul fluide répandu partout, au lieu de quatre ou six fluides impondérables distincts ; des mouvements produits par les corps pondérables — dans ce fluide unique, et non des particules matérielles, tantôt d’une espèce, tantôt d’une autre, émises par eux : voilà, sans aucun doute, des notions plus satisfaisantes pour l’esprit, parce qu’elles sont plus en rapport avec celles que nous fournissent les sensations dont, comme pour l’ouïe, nous avons pu nettement discerner la cause ; parce qu’elles sont plus d’accord avec les faits observés ; parce que, enfin, elles convergent davantage vers cette unité que nous aimons à chercher dans l’ordre physique. Un atome pesant, un fluide éthéré remplissant l’univers, un mouvement dans ce fluide produit par l’atome : c’est simple, c’est grand, c’est vrai peut-être. »

Vingt années plus tard, dans un discours adressé à la même Société, M. De la Rive aborde le même sujet avec des développements nouveaux : « La fin du dernier siècle et le commencement de celui-ci avaient amené une transformation remarquable dans l’étude des sciences expérimentales. Par l’effet d’une réaction contre l’esprit de système dont on avait abusé, les hommes de science

  1. Exposition du Système du Monde. Livre 5, chap. 4.
  2. Ibid. Livre 3, chap. 2.
  3. Voir les pages 12, 15, 16, 25, 31, 35, 91, 128, 375.