Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, IV.djvu/128

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
118
revue philosophique

toute volonté s’exécute par un corps soumis à l’ensemble des lois physiques et physiologiques. Pour tout dire, en un mot, l’homme est une cause essentiellement relative et limitée dans son action, mais il est cause, principe et commencement de la portion de ses actes dont il est responsable. Cette détermination de l’objet des sciences psychologiques est la seule qui réponde aux données de l’expérience. Dans les essais de théories relatives soit aux individus soit aux sociétés humaines, il ne faut jamais oublier la liberté et la limite de la liberté, la réalité de l’individu et la solidarité qui relie l’individu, non-seulement à son espèce, mais à l’ensemble de l’univers ; c’est là le principe directeur des hypothèses. Si on l’oublie, on se place sur le chemin de l’erreur. La conception d’une liberté qui se déterminerait abstraction faite des motifs, c’est-à-dire d’une liberté d’indifférence, échoue devant le plus simple examen des faits ; et jamais aucune hypothèse sérieuse n’a été tentée dans cette direction. Souvent, au contraire, on a essayé, et on essaye encore, d’expliquer les destinées de l’homme et de l’humanité par la seule action des causes étrangères à l’individu. Ce déterminisme très en faveur auprès des savants dont la pensée s’est formée exclusivement dans l’ordre des sciences mathématiques et physiques, se heurte dans l’individu, au sentiment immédiat de son propre pouvoir, ou pour les théoriciens qui nieraient la valeur de ce sentiment, au fait de l’obligation, fondement de l’ordre moral. Les essais de philosophie de l’histoire qui ont pour but de tout expliquer en supprimant la réalité des actions individuelles et spontanées n’ont abouti jusqu’ici qu’à des constructions fantastiques. Ce n’est pas, du reste, le passé seul qui est en cause ici. Si l’humanité, dans son développement, était régie par des lois absolues semblables à celles de la matière inerte, ces lois une fois connues, la prévision de l’avenir devrait en résulter aussi bien que l’explication du passé. L’astronomie détermine également les époques précises de l’éclipsé qui fut annoncée par Thalès de Milet et l’époque précise où se produiront les éclipses de la fin de notre siècle. Les partisans du déterminisme historique ont tenté quelquefois des prévisions de cette nature, mais le résultat n’a pas été favorable. Il existe assurément des lois psychologiques. Ces lois produisent des phénomènes historiques qu’il est permis de prévoir, mais d’une manière générale seulement ; et, si l’expression est ici permise, sous bénéfice d’inventaire. Lorsqu’on méconnaît le principe directeur des hypothèses psychologiques, on veut prévoir les détails des événements à la façon des astronomes, et l’on s’attire ainsi de cruels démentis. J’en citerai trois exemples. En 1829, peu de temps avant la révolution de juillet, M. Victor Cousin, placé, à cette époque de