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doctrine capitale de l’inertie se joint celle de la constance de la force motrice. Aucun savant de nos jours n’admettra, comme des savants de premier ordre, Newton par exemple, le faisaient encore au xviie et au xviiie siècle, qu’un mouvement disparaisse sans se transformer en un autre mouvement, et que la force motrice de la nature augmente ou diminue. Il en résulte que toute la physique se ramène à la mécanique qui emprunte elle-même ses moyens d’explication aux mathématiques. Ces deux théories : celle de l’inertie de la matière et celle de la constance de la force ont été conçues, au xviie siècle, sous l’influence de considérations rationnelles, et, après un oubli momentané, ont reparu de nos jours confirmées par un ensemble imposant de données expérimentales. Ce ne sont pas des affirmations a priori, mais de grandes hypothèses qui, une fois confirmées, ont pris le rang de principes directeurs pour les hypothèses subséquentes.

L’objet des sciences biologiques n’est pas déterminé d’une manière aussi précise, et aussi à l’abri de contestations que l’objet des sciences physiques. On convient toutefois assez généralement que, par opposition aux simples agrégats qui fixent l’attention du physicien, la biologie a pour objet d’étude des organismes vivants. Dans l’état actuel de nos connaissances, la vie se manifeste comme une cause de transformations particulières du mouvement universel. Cette cause présente un caractère de spontanéité, par opposition à la transformation purement mécanique des mouvements de la matière brute. Il n’est jamais prudent d’engager l’avenir ; mais jusqu’ici tous les efforts tentés pour rendre raison de la vie et de la transmission de la vie par des considérations purement physiques n’ont pas obtenu un résultat satisfaisant. Le principe de la vie dans les corps organisés est le centre d’une série de phénomènes convergents dont il forme l’unité. Il en résulte un rapport des parties au tout qui éveille l’idée de la finalité. C’est ce qu’a fort bien compris Auguste Comte dans la seconde période de son développement scientifique. Il avait affirmé, au début de son enseignement, que les phénomènes que présentent les êtres organisés sont de simples modifications des phénomènes inorganiques. Il se rétracta assez promptement et affirma que, tandis que la physique procède par pure analyse et étudie des phénomènes isolés, la biologie se trouve en présence d’un pouvoir qui domine les détails, les combine et les coordonne, et que c’est dans le but, dans la fin ou la cause finale, qu’est le secret de l’organisme[1]. L’idée du but demeure étrangère aux études du

  1. Ravaisson. La philosophie en France au XIXe siècle, pages 75 et suivantes.