Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, IV.djvu/116

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
106
revue philosophique

Cependant que dire de ces définitions capitales : « La notion sensible est une perception avec quelque chose de plus, et ce quelque chose de plus est un certain mode d’activité de l’âme qui transforme les perceptions en notions sensibles » (p. 139) ? « La notion intelligente est une perception distinguée de toute autre par les caractères intelligents que l’activité même de l’âme fait éclore (p. 156) » ?

On nous accusera peut-être de manquer de pénétration ; mais nous ne pouvons saisir quel progrès la psychologie réaliserait en appelant la raison une notion, au lieu de l’appeler une faculté, en disant au lieu de volonté, la notion-volonté, au lieu de conscience la notion-conscience, au lieu de langage, la fonction-langage. Division sur division, distinction sur distinction, corrections inattendues alors que renonciation de la pensée semble achevée, redites fréquentes, classifications dont les éléments rentrent trop évidemment les uns dans les autres : tels sont les principaux reproches que l’on peut adresser à l’auteur. Puis, de singulières suppositions comme celle-ci : « Si nous avions le temps d’avoir faim et soif, comme nous avons le temps de provoquer les excitations amoureuses, nul doute que l’esprit de l’homme ne s’emparât de ces sentiments pour faire avec eux des romans savoureux, composées d’impressions gustatives et odorantes sublimées dans le chapiteau de l’imagination (p. 53). »

Quant à la manière dont le docteur Fournie entend le spiritualisme, elle est nouvelle encore comme son mode d’exposition ; et nous doutons qu’elle agrée aux philosophes parmi lesquels il désire vivement être compté, si on en juge par les injures qu’il adresse aux positivistes (p. 223 : ils raisonnent faux, ils « perpètrent de mauvaises hypothèses ! » ). L’âme, suivant lui, n’est que « le principe de vie dans ses rapports avec l’a matière cérébrale, avec les organes des sens et avec les organes du mouvement » (p. 550). L’âme est immatérielle, mais elle est étendue et elle est mouvement.

Nous regrettons de ne pouvoir citer tout le passage (p. 35 à 42) où cette théorie de l’âme immatérielle, étendue et mobile, est exposée tout au long, avec figures. Nous nous bornons à citer cette phrase pour que nos lecteurs sachent bien de quel spiritualisme M. Fournie est le représentant. « Il arrivera, dit-il, que l’âme sera affectée aux divers points de son étendue par des causes différentes, et comme ces divers points sont unis entre eux, l’émotion provoquée par chaque cause impressionnante rayonnera vers toute l’étendue de l’âme. C’est donc la même âme qui sentira toutes les impressions, et ceci en vertu des lois de la physique les mieux établies » (p. 42). Du moins cette âme est libre ? oui, seulement jamais elle n’agit sans une excitation fonctionnelle préalable ; et cette excitation vient soit d’une perception actuelle, soit d’une perception conservée par la mémoire. À cela près l’âme est libre.

Une revue historique des systèmes antérieurs clôt ce volumineux travail ; ce n’est donc pas par ignorance que M. Fournie croit avancer le premier presque tout ce qu’il propose ; ses lectures sont considé-