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analyses.mamiani. Compendio e sintesi.

C’est encore celui de la passivité « : peu ou point étudié par les psychologues modernes. » — « À vrai dire, je saisis à la fois mon être passif et mon être actif. Tant que j’agis avec liberté et que ma spontanéité se développe sans obstacle, je puis me croire infini et universel. Mais dès que je subis les actions extérieures et que je me révolte en vain, par exemple, contre la douleur qu’elles m’infligent trop souvent, je suis bien forcé de croire que ces actions ne sont pas miennes et que, par conséquent, il y a d’autres principes réels et actifs séparés de moi. » — De plus, les hommes différents s’opposent sans cesse les uns aux autres dans l’ordre de la pensée comme dans celui de l’action : l’opposition est-elle possible sans la distinction, et la distinction sans l’existence indépendante des moi particuliers ? Les Allemands soutiennent, il est vrai, que le moi est un composé, qu’il est plusieurs, et ils signalent des conflits de pensées et de volontés simultanées : mais cela ne prouve qu’une chose, à savoir : que préoccupés avant tout des détails physiologiques, ils se sont désaccoutumés de l’observation intérieure. Celle-ci leur apprendrait, s’ils savaient la pratiquer, que les conflits ne peuvent se produire dans la conscience qu’entre les pensées et les volontés demi-conscientes d’une part, et les actes réfléchis de l’autre, mais que ceux-ci l’emportent toujours ; bref, que la conscience reste une dans la somme de ses tendances et sa direction totale. Tout cela est vieux de plusieurs siècles, il faut l’avouer, mais cela est vieux comme le sens commun et la raison humaine. Spinoza n’a pu obscurcir ces vérités qu’en abusant des mots de mode et de substance, et en prenant ce dernier en toute rencontre dans le sens de substance absolue. Cependant il ne faut pas aller trop loin dans la voie opposée ; le moyen-âge a trop souvent exilé Dieu sur un trône reculé et solitaire : Giordano Bruno a rendu à la philosophie le signalé service de ressusciter l’immanence de Dieu dans le monde et dans l’homme, de sanctifier ainsi la nature et l’humanité, et de donner une âme divine à toutes choses.

4° Nous franchissons à regret un chapitre sur la liberté pour arriver à la quatrième objection : « Que l’absolu n’est pas connaissable. » Nous retrouvons ici ce que nous avons rencontré dans la première partie, sauf la discussion d’un argument d’Hamilton. Si l’absolu fait partie d’une relation dont le second terme est l’idée de relatif, n’est-il pas par cela même relatif à son tour ? — Hamilton confond ici l’espèce avec le genre ; il prend la relation de causalité pour un rapport de dépendance. L’action, par exemple, et la passion constituent un rapport mutuel ; mais avec cette différence que l’action peut exister par elle-même, tandis que la passion se trouve liée à elle par une relation de dépendance. De même, et à plus forte raison, l’absolu existe d’abord en soi et par soi ; ensuite en prêtant, extérieurement à son être propre, l’existence aux êtres finis, il engendre les nombreux rapports extérieurs qui l’unissent à eux, sans dépendre, en aucune façon, de ces rapports, ni contracter ainsi la moindre contingence et la moindre rela-