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point principal qu’elle se tourne invinciblement. Nous n’avons plus les Astronomiques[1] qu’il fit imprimer à Strasbourg, durant ses voyages, « en caractères si élégants. » C’était sans doute le tribut d’imitation que tout écolier paye à son précepteur, à titre de premier hommage : œuvre peu regrettable en soi, où pourtant l’on eût cherché avec quelque intérêt les hymnes par lesquelles Vanini saluait la doctrine nouvelle qui venait de surgira son horizon. Elles devaient être encore bien timides. Mais, quelques années après, le disciple, tout à fait émancipé, s’inspire de l’audace de son maître : il ose opposer au dogme prépondérant du cathohcisme la doctrine de l’astrologie philosophante. C’est au quatrième livre des Dialogues. Il est question des oracles. « Qu’en faut-il penser ? demande Alexandre. Étaient-ils l’œuvre des démons ? — Non, répond Vanini, puisque — ce qui est de foi réservé, comme il convient — il n’y a pas et il ne peut y avoir de démons. Pomponace attribue les oracles aux intelligences qui meuvent les astres et gouvernent le monde. — Impossible, réplique Alexandre, car le ciel n’a pas changé, et il n’y a plus d’oracles. J’aimerais mieux croire avec Plutarque à l’épuisement des vapeurs prophétiques. — C’est que vous n’entendez pas bien Pomponace. Le monde, Alexandre, est éternel, mais rien n’y dure infiniment sous sa forme première. Les espèces et les individus, les choses et les personnes y subissent de perpétuelles métamorphoses : elles meurent parce qu’elles sont corruptibles ; elles renaissent, parce qu’une loi nécessaire met la génération à côté de la corruption. Il n’y a pas de raison pour que les religions échappent à ces vicissitudes incessantes. Aussi peut-on affirmer que celles d’à présent ont existé par le passé, et que celles du passé sont en train de revenir. Or, la loi par qui tout ainsi se renouvelle oppose constamment les prodromes de la vie aux symptômes de la mort. Si les oracles se taisent, c’est que le paganisme va s’éteindre dont ils sont le signe vivant. Mais voici les miracles, et s’ils apparaissent, c’est que l’évangile arrive et qu’ils en sont à la fois et l’indice et la caution. Les astres, auteurs de ces changements, ont voulu que le surnaturel succédât ainsi au surnaturel. Ils savent que les hommes passent malaisément d’une religion à une autre, et, dans leur providence souveraine, ils départissent au sage entre les sages qu’ils ont élu pour instituer la foi nouvelle, une puissance merveilleuse, capable de surprendre les croyances et de forcer les convictions[2]. »

Ici, Vanini s’arrête : il détourne à regret ses regards de cette perspective sublime. Quelque chose lui rappelle qu en France les Parle-

  1. De arcan., p. 31.
  2. De arcan. , p. 379, 392.