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la conscience réfléchie. Les processus inconscients sont de l’ordre psychologique, d’abord parce qu’ils sont des processus d’un organisme sentant (c’est la théorie de la sensibilité omniprésente aux différents points de l’organisme), et de plus parce qu’ils procèdent pour la plupart de processus conscients. S’ils ne sont pas directement accessibles, ils peuvent du moins être connus par leurs résultats.

L’analyse objective complète les données de l’analyse subjective ; voilà pourquoi la zoologie et l’histoire sont des sources à consulter. On n’y a point manqué d’ailleurs. Même la psychologie de l’animal a failli de nos jours détrôner la psychologie de l’homme. La science, a-t-on dit, ne doit-elle pas aller du simple au composé ? Et, si la physiologie comparée a fait faire d’immenses progrès à la physiologie, pourquoi la psychologie ne bénéficierait-elle pas au même degré des recherches de la psychologie comparative ? À ces arguments, Lewes répond : 1o  que l’étude de la vie ne commence pas en réalité par l’étude des organismes rudimentaires, mais par celle de l’homme ; 2o  que la psychologie comparative ne saurait être assimilée à la physiologie comparée. Pour celle-ci, en effet, les phénomènes, structure des organes, sécrétions, etc., n’ont pas besoin d’explication subjective : lorsqu’il s’agit de psychologie comparative, qui nous assure que les mêmes apparences externes, c’est-à-dire les mêmes symptômes, ont les mêmes causes internes ? L’affirmer à priori serait faire comme un spectateur naïf qui prendrait le canard de Vaucanson pour un canard vivant. Comment le détromperait-on ? En lui montrant la différence de mécanisme des deux homonymes. C’est donc en dernière analyse la différence des conditions organiques déterminées par l’anatomie et la physiologie qui seule rectifie les inductions tirées de l’observation superficielle (§ 96). En d’autres termes, ce n’est qu’indirectement, et grâce aux indications de deux sciences non psychologiques (la physiologie et l’anatomie), que l’étude psychologique des animaux arrive à des conclusions acceptables.

En conséquence, la psychologie animale ne sera considérée que comme un champ d’expérience et de vérification. Très instructive en ce qui louche aux fonctions, elle ne nous apprend presque rien sur les facultés. Lewes se sépare nettement des modernes partisans de l’assimilation de l’homme et de l’animal : ce n’est là, dit-il, qu’un paradoxe imaginé pour réagir contre les défenseurs de l’automatisme et contre les métaphysiciens. L’écueil de la psychologie animale, c’est que, trompée par quelques ressemblances, elle ne voit pas les différences ; l’interprétation anthropomorphique dénature les actions de l’animal. Par exemple, l’appareil optique est le même chez l’homme et le chien ; la fonction aussi est identique, mais la faculté diffère. En particulier, la distinction des couleurs est pour l’homme le résultat de l’évolution, et il n’est nullement prouvé que les animaux, qui distinguent les objets colorés par la différence des impressions lumineuses, distinguent aussi les couleurs, comme le veut Darwin. « Toutes les observations des