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porten à la dernière ; mais la première aussi est maintenue. Dans la même incertitude se trouvent toutes les idées de valeur ou de perfection (Werth-Begriffe), par exemple, perfectio-realitas. Dans l’ontologie, les expressions de substance et d’attribut ne répondent nullement à ce qui est la tendance propre de Descartes. Car il semble, d’après elles, que la substance étant la première, on doive passer de là à l’attribut ; tandis que le philosophe conclut plutôt de l’action à l’être ; et ainsi au fond il fait de la substance une simple idée accessoire. L’expression d’inné (innatus) entraîne d’innombrables malentendus. En plusieurs endroits, elle se rapproche de l’a priori des penseurs modernes et désigne l’origine de la connaissance comme naissant de l’esprit ; tandis que dans d’autres, pour Descartes lui-même, elle contient l’idée d’une possession réelle, primitive, d’un objet présent à l’esprit (dès la naissance). »

« Il en résulte qu’on doit se garder également de trop rapprocher Descartes du moyen âge, comme aussi de ce qui vient après lui. S’en séparer et s’y rattacher est précisément ce qui le caractérise. Chacun des points particuliers présente un problème non résolu ; mais l’ensemble révèle le nouveau mouvement imprimé à la pensée et qui ne fait que commencer. Il reste aux successeurs beaucoup à fixer, à éclaircir et à développer. »

Nous ne suivrons pas M. Eucken dans les pages qu’il consacre aux successeurs de Descartes (Robert Boyle, Cudworth, Spinoza, Locke) et surtout à Leibniz, sur lequel il revient plus tard à propos de la terminologie allemande.

C’est en effet par la terminologie allemande, comme on devait le penser, que l’auteur achève son essai. Cette partie de son livre, où il montre une compétence particulière, mériterait bien d’être étudiée et appréciée. Malgré toute notre infériorité, nous aurions bien quelques critiques à lui adresser humblement. Tout en reconnaissant la justesse et la sagacité de ses réflexions dans ce qu’il dit de la terminologie des philosophes allemands, qu’il reprend à son origine et qu’il suit dans ses phases principales depuis le moyen âge jusqu’à l’époque où nous sommes parvenus, sans même trop lui demander compte de ses omissions, nous exprimons au moins le regret qu’il n’ait presque rien dit ou qu’il ait été si laconique sur des points d’un haut intérêt et d’abord sur les qualités de la langue allemande, comme langue philosophique.

C’est du reste un côté essentiel qui nous paraît manquer à cette étude. On aurait aimé à voir mettre en relief et en parallèle les différents idiomes qui ont servi à former successivement le langage technique que parlent aujourd’hui dans le monde civilisé les penseurs spéculatifs comme les savants proprement dits dans toutes les branches des connaissances humaines. Quant à la manière dont l’auteur explique et apprécie la terminologie propre de chacun des grands penseurs dont l’Allemagne se glorifie, de Kant en particulier, de Fichte, de Schelling, de Hegel et aussi des chefs des autres écoles, de Herbart et