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La méthode de classification naturelle consiste à grouper les objets suivant leurs ressemblances les plus importantes. Elle a pour fondement l’idée de ressemblance.

Telles sont, d’après Whewell, les principales méthodes d’induction qui conduisent à la découverte des lois. Elles sont, on ne saurait le nier conformes à l’esprit général de la doctrine ; chacune d’elles sert à appliquer aux faits observés quelqu’une des conceptions tirées des idées fondamentales. Mais peut-on en considérer l’ensemble comme l’arsenal complet et définitif de la méthode inductive ? — Négligeons la méthode de classification naturelle, surtout applicable aux sciences de pure description. Les méthodes plus haut décrites, méthode des courbes, méthode des moyennes, méthode des petits carrés, méthode des résidus et méthode de gradation, sont toutes relatives à la quantité. Peut-on les tenir pour les procédés primitifs de l’esprit dans lu découverte des lois ? Une loi naturelle est, nous le savons, l’expression d’un rapport constant et invariable entre des faits. La question à résoudre pour parvenir à l’explication d’un phénomène encore inexpliqué se pose par suite à l’esprit de la façon suivante : A quel phénomène, ou à quel groupe de phénomènes, le phénomène en question est-il lié ? question de fait, si l’on veut, et d’observation pure, mais qui doit être résolue par des méthodes spéciales, avant que l’esprit étende à tous les cas semblables le rapport découvert. De ces méthodes, qu’il était réservé à Stuart Mill de décrire, Whewell ne dit rien, et il ne pouvait rien en dire. La découverte de l’antécédent invariable et inconditionnel d’un phénomène donné n’est pas en effet l’application d’une conception idéale aux faits. Les antécédents découverts, une nouvelle question surgit : Quels rapports mathématiques les unissent aux conséquents, question dont la solution est à coup sûr le dernier degré de la science positive, mais que l’on ne peut aborder de prime saut avant d’avoir résolu la première. Or, c’est à la solution de ce dernier problème que nous semblent uniquement applicables les méthodes de Whewell. Aussi ne doit-on pas s’étonner que les exemples qu’il en donne soient presque tous tirés de l’astronomie, la seule des sciences physiques où les deux problèmes que nous avons séparés aient pu jusqu’ici recevoir une entière solution. Mais de tels procédés de méthode sont stériles, s’ils ne s’appliquent pas à des rapports phénoménaux précédemment établis. Whewell ne l’a pas vu, dominé qu’il était par cette idée que la science consiste exclusivement à unir des conceptions aux faits. C’est à Stuart Mill qu’était réservé l’honneur de renouveler le Novum Organum.

Louis Liard.