Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VIII.djvu/486

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
480
revue philosophique

raient être à modifier dans leur énoncé, les formules analytiques à changer plus ou moins ; mais la théorie n’en serait ni moins rigoureuse, ni moins vraie, et les conclusions pratiques resteraient ce qu’elles sont.

Si, d’après cela, la notion de la force dépend d’une définition arbitraire, elle est elle-même également arbitraire ; en d’autres termes, elle n’a d’autre valeur que celle d’une fiction logique. Matière et force sont donc des mots qui n’ont que la signification qu’on veut bien leur attacher ; la réalité objective ne se rencontre que dans les corps en mouvement ; si, pour analyser les lois du phénomène, nous constituons deux sujets logiques, l’un passif et l’autre actif, aucune nécessité a priori, non plus qu’aucun fait d’expérience, ne nous oblige à faire de telle façon plutôt que de telle autre, entre ces deux sujets, le départ des attributions réciproques. Celui que nous adopterons, quel qu’il soit, ne peut donc être critiqué qu’au point de vue de la commodité de l’analyse ultérieure.

Enfin il est clair que la définition de la force et le prétendu principe de l’inertie resteraient absolument lettre morte sans l’intervention des véritables postulats tirés de l’expérience.

Le premier de ces postulats à considérer nous paraît être le principe de l’indépendance des effets des forces, plutôt que celui de l’indépendance de l’effet d’une force et du mouvement antérieurement acquis, qu’on fait souvent passer avant le précédent. D’abord c’est l’ordre historique ; en second lieu, l’énoncé du premier paraît indépendant de l’hypothèse faite pour l’inertie, tandis qu’il n’en est pas de même pour le second, ce qui, entre parenthèses, prouve que ces principes sont bien réellement distincts ; enfin le premier suffit pour la statique ; le second est purement dynamique.

Le principe de l’indépendance des effets des forces permet de définir : la direction et le sens des forces, par la direction et le sens du déplacement élémentaire qu’elles occasionneraient sur le point matériel considéré, si elles agissaient seules ; l’égalité de deux forces, par l’équilibre, lorsqu’elles sont opposées ; enfin il conduit à leur mesure, comme elle se fait réellement, en prenant pour unité le poids d’un volume déterminé d’un corps bien défini. Il y a lieu seulement d’observer à ce sujet qu’on suppose implicitement alors que ce poids est une force constante, hypothèse qui ne souffre pas de difficulté pour un même lieu de la terre, mais ne doit pas être étendue au delà des limites où l’expérience peut la vérifier.

Le principe de l’indépendance de l’effet d’une force et du mouvement acquis permet de préciser d’une façon plus satisfaisante la notion de la force constante et de définir nettement la notion de masse.