Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VIII.djvu/483

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
477
tannery. — la théorie de la connaissance

Au sens de Leibniz, l’équation : — — était simplement approximative ; on négligeait un terme fonction de et de  ; pour pouvoir la considérer comme rigoureuse, il fallait modifier ou plutôt approfondir la notion de la différentielle.

Les partisans de la méthode des limites convinrent à cet effet de considérer la différentielle de la variable indépendante comme un accroissement fini, d’ailleurs aussi grand qu’on le voulait donner à cette variable. La différentielle de la fonction fut dès lors non pas l’accroissement réel correspondant de cette fonction, mais une quantité telle que son rapport avec la différentielle de la variable indépendante fut égal à la limite du rapport des deux accroissements, lorsqu’ils tendaient simultanément vers zéro.

Cette formule acquit la prédominance et la garda longtemps[1] ; toutefois dès le siècle dernier, la notion qui devait lui être finalement substituée avait pris corps. Les différentielles ne sont pas, disaient les mathématiciens de l’Encyclopédie, des infiniment petits en acte, comme l’on avait considéré jadis les indivisibles ; ce sont des infiniment petits en puissance ; ou, en d’autres termes, l’infiniment petit n’est pas une quantité fixe, déterminée ; c’est une quantité variable, qui peut être rendue plus petite que toute quantité donnée. C’est un devenir, devaient dire les hégéliens.

Le débat fut interrompu par une importante diversion ; Lagrange tenta de faire une révolution complète, en fondant le calcul infinitésimal sur de pures identités algébriques. Il postula en fait que tout accroissement fini de toute fonction pouvait se développer suivant les puissances de l’accroissement fini de la variable, suivant la série :

et il identifia les fonctions … qu’il nomma dérivées première, seconde, troisième, etc., de la fonction primitive , avec les coefficients différentiels successifs :

, etc.

Cet élégant système reposait sur une base insuffisante ; la possibilité effective du développement ci-dessus est en réalité soumise à des conditions spéciales, établies par Cauchy et que sont loin de remplir toutes les fonctions qui ont des dérivées.

D’autre part, la méthode des limites ne se prêtait pas à des facilités suffisantes pour un grand nombre de démonstrations ; la question

  1. C’est elle que le P. Gratry a développée dans sa Logique.