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jésuite, de les lire et de lui en rendre compte. — Tous furent d’avis que ces ouvrages étaient très dangereux et très pernicieux ; l’un d’eux écrit « que l’auteur y enseigne l’athéisme en faisant semblant d’être un grand protecteur de l’honneur de Dieu. » C’est exactement ce que pensaient les trois autres[1]. On est tenté de croire que leur critique n’était pas exempte de prévention, puisque l’Amphithéâtre, où, suivant le P. Garasse lui-même, Vanini parle en hypocrite[2], est, pour le professeur qui l’examine, un livre empoisonné de scepticisme, une apologie de mauvaise foi, plus propre à ruiner la religion qu’à la soutenir. Il va sans dire que le même censeur conclut à l’interdiction ; mais il n’attend rien d’utile de cette mesure ; il prévoit « que ces choses-là plairont dans les écoles et qu’elles y seront admirées[3] ». Il y avait loin de ces avis des théologiens de Toulouse à l’approbation des censeurs imprimée en tête des Dialogues. Comment la Sorbonne avait-elle pu se tromper si lourdement ? Dans l’ardeur de son zèle provincial, M. de Rudèle crut faire merveille d’écrire à Paris pour donner l’alarme. Son correspondant, un abbé Barthès, qui était, selon toute apparence, un des secrétaires de l’archevêché, lui répondit avec calme, le 10 juin 1620, qu’en effet c’était une faute, qu’il en avait parlé au cardinal de Retz. « Monseigneur, ajoutait-il, a commandé très expressément au syndic de la faculté de théologie de faire toute sorte d’instances pour la réparer, et, à faute d’y pourvoir si exactement comme il appartient, il contribuera son autorité toute entière[4]. »

Mais la Sorbonne, qui avait d’autres soucis plus présents, ne jugea pas à propos de revenir sur cette vieille affaire. On délivra à l’abbé Barthès, pour qu’il la transmît à Toulouse, une copie du désaveu du P. Edmond Corradin et de M. Claude Le Petit, et il n’en fut pas autre chose. La lettre d’envoi de l’abbé, datée du 20 juin 1620, se ressent un peu de cette indifférence de la Faculté. On jurerait, à la lire, que le livre de Lucilio — elle dit Lucilio et non pas Vanini — avait paru depuis un siècle. « La faculté de théologie de cette ville n’a point faict d’assemblée le 15 de ce mois, comme je vous ai escript par ma précédante. Il faut donc attandre jusqu’au premier du mois prochain. Cependant le syndic de la Faculté, nommé M. Besson, m’a donné l’extrait du registre des délibérations, tenues longtemps y a, sur le subject du livre de Lucilio, contenant la déclaration des appro-

  1. Archives de la Haute-Garonne, G, archevêché, carton de Vanini : avis des théologiens.
  2. Garasse, Doctrine curieuse, p. 1015.
  3. Archives de la Haute-Garonne, carton de Vanini : opinion du P. Pélissier.
  4. Archives de la Haute-Garonne, carton de Vanini : Lettres de l’abbé Barthès.