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sièges savamment, vivement et fréquemment assaillis, ils ne pouvaient manquer de sortir de leur fort. On alla en conséquence l’entreprendre de dispute dans sa prison. Présidents, conseillers, prêtres, moines, docteurs en théologie, se succédèrent auprès de lui, s’évertuant à le prendre en défaut.

Quand le P. Coton arriva à Toulouse sur la fin du mois d’octobre, on espéra qu’un si saint personnage réussirait à le convaincre, et on le lui envoya. On fit même venir de Castres des ministres protestants[1], sans doute parce que l’hérésie n’avait rien de caché pour eux. Quelles que pussent être au fond ses angoisses secrètes, Pompeïo reçut ces visites multipliées avec l’aisance d’un esprit libre jusqu’à la gaieté. Rompu dès longtemps à la controverse, il étonna ceux qui voulaient le surprendre, car il se jouait autour de leurs pièges, sans s’y laisser attraper. La seule chose qu’on gagna sur lui fut de lui faire avouer qu’il avait reçu les ordres sacrés[2]. Peut-être crut-il nécessaire de le déclarer, afin de justifier la profonde connaissance qu’il montrait avoir des matières de religion.

Cependant le temps passait ; des mois s’étaient écoulés, et les preuves étaient insuffisantes, et il devenait de moins en moins évident qu’on eût eu raison de le poursuivre. Il fut question de l’élargir. On peut faire honneur de cette intention à l’équité naturelle des juges ; on peut supposer aussi qu’ils ne furent pas insensibles à certaines sollicitations, car ce procès causait bien des alarmes dans plusieurs familles parlementaires où l’on avait des raisons d’en désirer la fin. Mais cette idée eut-elle des suites ? Le prévenu fut-il effectivement relaxé ? Barthélémy de Gramond, qui néglige les détails, se borne à dire, et bien vaguement, qu’il semblait qu’il dût l’être. Bisselius affirme qu’il le fut, et cela en vertu d’un arrêt de non-lieu (de non liquere) qu’il qualifie de solennel. Mais il ajoute par une espèce de contradiction « que déjà même Pompeïo sortait fréquemment de la prison » (abituriebat). Pourquoi donc n’en était-il pas sorti sans retour, une fois mis hors de procès ? Il faut peut-être en chercher la raison dans un usage singulier du Parlement de Toulouse, qui fait penser à Ponce Pilate et à Barabbas.

Chaque année, à l’occasion des fêtes de Noël, de Pâques et de la Pentecôte[3], la Grand’Chambre s’occupait des prisonniers dans un esprit de miséricorde. Elle se faisait remettre les pièces de leur procès et les jugeait, toutes affaires cessantes, dans une audience

  1. D’Autreville, Inventaire général des aff. de France, déjà cité.
  2. Bisselius, Septennii tres, etc.
  3. Gab. Cayron, Style du Parlement de Toulouse, édition citée, p. 574.