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fouillée. — la philosophie des idées-forces

hasard, ou en bloc, des concessions réciproques et vagues : les physiciens ne font pas des « concessions » aux chimistes, les astronomes ne font pas de compromis avec les zoologistes ; tout fait partie d’une seule et même science à divers domaines ; ainsi devrait être la philosophie. Nous avons déjà comparé ailleurs l’éclectisme à la monarchie constitutionnelle, qui est un mélange ou une pondération de principes opposés et même contradictoires : au contraire, la véritable conciliation des principes gouvernementaux se fait par le moyen d’un gouvernement particulier qui, étant le seul vrai, le plus large et le plus complet, absorbe en soi les vérités des autres, de manière à former un gouvernement original et cependant synthétique. Telle serait la république entendue en son vrai sens et réunissant l’unité du pouvoir exécutif avec l’universalité du pouvoir législatif, avec l’aristocratie librement acceptée des intelligences ; elle pourrait dire à tous les partis politiques et à tous les gouvernements exclusifs : — Les vérités que vous renfermiez en vous-mêmes, je les réunis en moi ; quel est le principe de la monarchie ? l’unité, la rapidité, la force de l’exécutif ; quel est le principe de l’aristocratie ? la direction confiée aux plus capables ; quel est le principe de la démocratie ? le gouvernement de la nation par la nation ; tout cela est en moi uni et concilié. — C’est que la théorie du gouvernement républicain déduit tout dm seul et même principe, l’autonomie du citoyen, et que ce principe est assez compréhensif pour embrasser tout ce qu’il y avait de vrai dans les autres en laissant de côté tout ce qu’ils renfermaient de faux et de contradictoire, comme l’hérédité, les privilèges, les monopoles, les inégalités légales, les despotismes et les servitudes. Nous avons donc raison de dire que la monarchie constitutionnelle est un éclectisme politique, utile d’ailleurs comme transition, tandis que la république libérale, terme inévitable de tous les peuples, est une conciliation politique : les hommes pourront y rester encore accidentellement divisés ; les principes, c’est-à-dire les droits, y seront unis.

Il est une dernière question que nous nous adresserons à nous-même : — La méthode de conciliation et de synthèse est-elle historiquement confirmée par le mouvement même de la pensée dans l’histoire de la philosophie ? — Il le semble. En effet, le mouvement de la pensée philosophique est soumis aux mêmes lois que l’évolution des espèces dans la nature[1]. Aussi est-il double et présente-t-il pour

  1. « La loi de la vie et la loi de la pensée sont les mêmes ; toutes deux se ramènent à la grande loi d’évolution. L’histoire de la philosophie a été surtout conçue jusqu’ici comme une anatomie de la pensée humaine : nous croyons qu’on pourrait en faire une embryogénie, étudier la formation et la croissance des systèmes, comme on étudie celle des organismes. » (Guyau, la Morale d’Épicure et ses rapports avec les doctrines contemporaines, p. 11.)