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Il n’y a pas une opposition complète entre la veille et le sommeil. Dans le sommeil, les activités psychiques sont ralenties, mais non anéanties. En fait, quelque vives que soient les images de nos rêves, elles sont plus obtuses et plus obscures que celles de la veille. On peut donc formuler cette conclusion : dans le sommeil profond, de même que les fonctions organiques et végétatives sont déprimées, de même l’activité psychique est réduite à un minimum sans être pour cela totalement suspendue.

Le cinquième chapitre a pour objet les éléments du rêve. C’est l’un des meilleurs et des plus complets de tout le livre. On y examine les effets des impressions sensorielles et organiques et leurs transformations dans les rêves, ainsi que le rôle que vient y jouer la mémoire. Cependant, comme je n’y relève aucune idée réellement neuve, l’analyse que j’ai donnée plus haut de la partie de l’ouvrage de M. Maudsley traitant du même sujet, me dispense d’insister davantage. Il y aurait pourtant bien des études intéressantes à faire dans cette direction. Il n’est pas douteux que beaucoup de nos rêves ne sont que la dramatisation des impressions ressenties pendant le sommeil. Ainsi, les personnes qui éprouvent accidentellement ou habituellement une gêne dans la respiration, rêvent couloirs étroits ou plafonds écroulés, caveaux ou catacombes, presse dans la foule ou timons de charrettes enfoncés dans la poitrine, en un mot, toutes scènes où l’on suffoque et où l’on manque d’air. Le rapport est apparent. Or, en poursuivant ces rapprochements, on arriverait selon toute probabilité à une classification physiologique des rêves et, du même coup, à une classification des drames réels au point de vue de leur action sur notre organisme par l’intermédiaire de l’esprit[1].

Le chapitre qui suit et que je vais résumer a pour but de spécifier la différence qu’il y a entre le rêve et la pensée éveillée. C’est là un point de la plus haute importance, comme je l’ai déjà dit, et ce devrait être un des pivots de toute théorie des rêves et du sommeil. M. Radestock le traite avec son érudition et sa finesse habituelles. Bien que le problème puisse, ce semble, être serré de plus près, néanmoins les pages où il est discuté, sont presque toutes excellentes, pleines de remarques justes, sinon profondes, et forment un tout très satisfaisant et bien enchaîné. Je dois avouer que j’en ai rarement lu qui m’aient fait plus de plaisir. Ajoutons que la pensée

  1. Ce n’est pas qu’on se soit fait faute de tenter des classifications des rêves ; mais ou elles sont arbitraires dans leurs détails, ou elles reposent sur des distinctions de sentiments ou de langage (rêves agréables ou désagréables, rêves historiques, prophétiques, etc.).