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à ce point de vue de raison de supposer comme cause du monde un être intelligent et doué à un degré infiniment élevé de ce que nous regardons comme des vertus. L’optimisme et le pessimisme sont écartés. On peut dire d’ailleurs que ce monde est à la fois le plus mauvais et le meilleur possible, puisque, autant que nous en pouvons juger, il ne saurait être autrement qu’il n’est.


VII


La théorie de la concurrence et de la sélection implique le déterminisme des actes psycho-physiologiques. Si donc nous n’avons d’autre garant de la validité de nos impressions que leur force, si nos idées, nos sentiments, nos sensations se font et se défont mécaniquement pour ainsi dire, si la conduite de l’homme est déterminée par la plus forte excitation, qu’est-ce que la vérité’? qu’est-ce que la. morale ? Comment reconnaître le vrai et le faux ? comment distinguer le beau du laid, le bien du mal ?

MM. Delbœuf, Renouvier et Secrétan ont cherché à établir l’incompatibilité de la science et du déterminisme. Leurs objections peuvent se ramener à trois. Si nos croyances sont déterminées nécessairement par leurs antécédents, il n’y a ni vérité ni erreur, ou plutôt toute pensée est vraie, puisqu’elle est nécessaire. La discussion est inutile, car chacun persiste fatalement dans ses opinions. La science est impossible, puisque la science doit s’imposer à tous et que la constitution de chaque individu détermine ses croyances.

Disons tout d’abord que la certitude absolue est une chimère, et que chercher un critérium parfait de certitude équivaut à chercher la quadrature du cercle. Le système de la nécessité ne nous permettra donc pas d’arriver à cette certitude inaccessible. Le système de la liberté, M. Renouvier le reconnaît, ne donne pas non plus de critérium ; mais, ajoute ce philosophe, il donne une méthode pour y suppléer : c’est la réflexion soutenue, la recherche constante, la saine critique, l’élimination des passions nuisibles, la satisfaction des justes instincts. La réflexion et la critique peuvent donc nous faire éviter l’erreur. Mais pourquoi la réflexion n’aurait-elle pas le même pouvoir si, au heu d’être le résultat d’une volonté libre, elle est déterminée par un sentiment comme l’amour de la vérité ou de la recherche scientifique ! Il n’en existe aucune raison, si l’erreur et la vérité sont distinctes.

    magnifiquement exposée dans la seconde partie des Premiers Principes. Il est vrai que M. Spencer n’admet ni les causes finales ni la personnalité de Dieu.