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teindrait jamais ce résultat par son activité propre, si l’homme était un simple être de la nature ou une créature étrangère à Dieu, si son essence n’était pas l’essence de Dieu, et si ses facultés n’étaient pas des moyens voulus par Dieu pour des buts divins.

Sur tous ces points, Pfleiderer mérite notre entière approbation ; cependant nous rencontrons certains passages qui semblent se prêter à une fausse interprétation supra-naturaliste de la part des théologiens. Il dit, par exemple : « Par conséquent, dans tout acte religieux, dans toute élévation de la conscience de soi-même et du monde, il se produit une révélation de Dieu à l’homme, une manifestation de la base créatrice du moi et du monde, dans laquelle elle se fait connaître et sentir… Le rapport subjectif dans la foi et l’amour de Dieu n’est lui-même possible que comme acte objectif du Dieu qui s’atteste activement dans l’homme, l’élève au-dessus de son état naturel et se révèle à lui tel qu’il est, c’est-à-dire comme l’esprit absolument libre et libérateur… Nous avons vu plus haut que tout acte véritablement religieux est à la fois un acte divin où Dieu se révèle, se communique à l’homme, et un acte de foi humain où l’homme se remet entre les mains de Dieu. » On peut interpréter ces propositions dans le sens spéculatif, mais on peut aussi les interpréter dans le sens supra-naturaliste, et cette dernière interprétation semble presque commandée par les termes mêmes du dernier passage. Pour marcher à pas sûrs entre les deux voies, il faut s’attacher à l’idée que du côté de Dieu on peut seulement chercher le fondement transcendantal immuable de l’activité religieuse de l’homme, mais que tout ce qui est réellement un acte est entièrement du ressort de l’activité humaine. De cette façon, la révélation et la foi ne sont pas deux actes de différents sujets se combinant dans une unité ; ils sont un seul et même acte d’un seul sujet, et reçoivent seulement des noms différents, selon qu’on envisage l’activité productrice de l’homme ou sa réceptivité à l’égard de ce qu’il produit lui-même. De cette façon aussi, la révélation est moins un acte par lequel Dieu se révèle à l’homme qu’un état où Dieu est révélé dans l’homme par l’activité humaine de l’esprit, laquelle repose certainement sur un fondement divin, et, au lieu de dire que Dieu se manifeste, il vaudrait mieux dire que l’homme pénètre en Dieu ; or, pour cela, il faut qu’il soit d’une essence divine ou un homme-dieu. Sans doute, le sujet absolu ou Dieu est aussi à titre de fondement transcendantal de l’esprit humain ce sujet particulier et par conséquent l’activité humaine peut être appelée une activité de Dieu ; mais d’une part cette observation se rapporte seulement à Dieu en tant qu’il agit non comme Dieu, mais comme homme, et d’autre part