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fouillée. — la philosophie des idées-forces

pousse très loin et très logiquement leurs conséquences[1]. Nous avons aussi, dans l’ordre social, montré une convergence finale entre les systèmes de la force, de l’intérêt et du droit ; en poussant le plus loin possible ces trois systèmes, nous les avons amenés à des conclusions analogues sur la liberté, l’égalité et la fraternité[2]. Ce genre d’opération conciliatrice, que nous avons appelé méthode des convergences, nous paraît aboutir à des résultats plus positifs et plus scientifiques que la méthode d’anathèmes réciproques entre les doctrines.

V. Une règle non moins importante et plus féconde encore, parce qu’elle exige un travail d’invention et non plus seulement de perfectionnement, c’est d’intercaler le plus de moyens termes possibles entre les idées contraires. Les vérités de deux doctrines qui, une fois rectifiées et complétées, présentent encore une opposition, sont comme deux accords parfaits de tons divers qui choquent l’oreille s’ils se suivent sans avoir été préparés ; trouvez une modulation pour aller de l’un à l’autre et ils formeront une harmonie. Dans toute question philosophique, on doit chercher les vérités intermédiaires capables de réduire progressivement l’écart des systèmes. Par exemple il y a, selon nous, un moyen terme que doivent accepter en commun ceux qui nient comme ceux qui affirment la liberté humaine : c’est l’idée de notre liberté, où nous avons montré en même temps une force efficace, et qui, lorsque nous nous appuyons sur elle, finit par nous conférer à l’égard de nos passions un pouvoir analogue à la liberté même. Cette idée, commune aux partisans de la fatalité et de la liberté, nous a offert un premier moyen de rapprochement. Un second intermédiaire, à savoir le désir de la liberté, a rapproché encore plus les doctrines[3]. De même, dans la philosophie du droit, l’idée et l’amour du droit nous ont paru des moyens termes capables de diminuer la divergence des théories adverses[4]. L’idée du moi est aussi un moyen terme entre le moi purement phénoménal et le moi réel, s’il y en a un[5]. On peut ainsi introduire tout un système de moyens termes entre le naturalisme pur et l’idéalisme pur ; leur ensemble est ce que nous avons appelé plus haut le système des idées-forces, sur lequel nous aurons à revenir.

VI. Dans les problèmes de la métaphysique proprement dite, qui portent sur le fond absolu des choses, une solution directe est impossible. C’est comme une montagne à pic dont le sommet est inacces-

  1. Voir La liberté et le déterminisme, pages 11-63.
  2. Voir L’idée moderne du droit, pages 38 et suiv., 91 et suiv., 228 et suiv., etc.
  3. Voir La liberté et le déterminisme, pages 282 et suiv.
  4. Voir L’idée moderne du droit, pages 225 et suiv., 236 et suiv.
  5. Voir, dans la Revue des Deux Mondes, notre étude sur la Conscience sociale.