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paulhan. — l’erreur et la sélection.

une sorte de sélection artificielle des actes en se mettant dans l’impossibilité de nuire. On voit parfois le moindre obstacle physique suffire à empêcher le crime ; parfois le malade a recours à des moyens plus violents ; d’autre fois, enfin, le crime est commis.

Un homme de cinquante ans, dit Maudsley, d’une grande vigueur physique, énergique, éloigné depuis plusieurs années de toute occupation active, éprouvait une impulsion au meurtre telle qu’il s’était vu forcé de se séparer des siens, de peur d’en devenir le meurtrier. La folie dans sa manifestation la plus faible se montrait sous la forme d’une idée occupant constamment sa pensée sans qu’il fût positivement poussé à la mettre à exécution. Quand elle atteignait son paroxysme, le sang lui montait à la tête, et il éprouvait une sensation de plénitude et de trouble dans cette partie, « ainsi qu’un affreux sentiment de désespoir et un tremblement violent de tout le corps, qui se couvrait d’une abondante sueur[1]. »

Persistance. — La persistance peut agir sur l’activité comme sur l’intelligence et la sensibilité. Une malade, lorsqu’on lui faisait dénommer successivement différents objets, donnait au dernier de la série le même nom qu’au premier qu’elle avait désigné. On lui présentait successivement une orange, un morceau de sucre, une plume ; elle désignait l’orange correctement et répétait le même mot à propos des autres objets. Une autre répétait à chaque interrogation la première phrase qu’elle avait dite : Comment allez-vous ? — Cela va très bien. — Voulez-vous descendre dans la cour ? — Cela va très bien, etc.[2].

Insensibilité. — De même que les parties de la rétine deviennent incapables de recevoir une excitation vive qui a trop longtemps duré, de même, dans la sphère des sentiments et des actes, des réactions se produisent et après que l’on a cédé à un penchant, surtout si l’excitation a été très vive, la fatigue commence et les penchants contraires peuvent se manifester avec intensité, pour peu que les circonstances les favorisent. Si une impression complexe tend à déterminer des sentiments de diverses natures, ceux-là seuls se feront jour, ou bien, si d’autres se réveillent, ils seront étouffés. C’est dans ce fait qu’il faut voir sans doute l’explication de plusieurs cas qui paraissent bizarres et en contradiction avec ce que nous avons vu jusqu’ici. Esquirol remarque que les gens affectés de la monomanie homicide étaient souvent, avant leur maladie, doux, honnêtes, religieux. La personne qu’ils désirent tuer est souvent une de celles qu’ils

  1. Maudsley, ouvrage cité, 137.
  2. Luys, Des actions réflexes du cerveau.