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tale. Les tendances les plus fortes se réveillent et étouffent plus ou moins les autres, qui peuvent finir par disparaître en totalité ou en partie. Le délire prend le caractère de l’affection morale qui préoccupait le malade avant l’explosion de la maladie ou conserve celui de la cause même qui l’a produit, surtout lorsque cette cause agit brusquement et avec une grande énergie. L’habitude, en effet, n’est pas seule capable de faire triompher les causes des faits psycho-organiques ; nous retrouvons dans le domaine de l’intelligence les causes qui agissent dans le domaine de la sensation.

Force de l’impression. — On peut rapporter à cette cause l’influence qui s’attache à la clarté, à la conviction, à la logique d’un écrivain, à l’éloquence d’un orateur, à l’autorité d’un savant. Ce sont là des influences plutôt morales ; en voici du même ordre, qui sont plutôt physiques et qui sont assez puissantes encore : l’élégance de l’impression d’un livre, le charme de la voix, des cérémonies imposantes, etc. C’est là une force assez douce, si l’on peut ainsi parler ; mais la violence de l’impression a son influence aussi sur l’issue de la lutte des causes de faits psycho-physiologiques. Une femme appelée voleuse dans une dispute, dit Esquirol, se persuade que tout le monde l’accuse d’avoir volé. Une dame effrayée par des voleurs prend tous les hommes qu’elle voit, même son fils, pour des brigands qui viennent l’assassiner. On reconnaît toujours le même mécanisme dans la production de l’idée fausse, concurrence, sélection et association d’idées.

On peut ranger dans les erreurs dues à la force de l’impression celles que les sentiments occasionnent. Les sentiments en effet paraissent être une forme plus vive de la conscience. Leur influence sur l’intelligence est fréquemment mauvaise : ils empêchent assez souvent l’adoption des idées qui ne s’accordent pas avec eux. Quelques personnes ne prennent dans un système que ce qui s’accorde avec leurs goûts ; le reste est rejeté. On repousse le darwinisme comme abaissant la dignité de l’homme. L’amour, la haine, la terreur, le patriotisme, l’orgueil, etc., faussent les conceptions, et toujours en faisant accepter des généralisations mal faites et en empêchant de voir ce qui les contredit. Il est difficile à trop de gens de rendre justice à leurs ennemis. D’autres, plus rares, ne peuvent croire rien de mal de leurs amis, simplement parce qu’ils les aiment et sans vouloir examiner. La crainte de l’opinion, la crainte du ridicule font non seulement professer, mais adopter des croyances fausses. Combien de fois un chagrin, une déception n’ont-ils pas déterminé une conversion.

Attention. — L’attention augmente la force des impressions, et