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infinie de mouvements extraordinaires, qui sont beaucoup plus étonnants et incompréhensibles que tout ce dont ils doivent nous donner raison[1]. » Il faut, si l’on veut échapper à toutes ces difficultés, « admettre qu’un corps peut recevoir un mouvement réel, même par l’action d’une matière, qui reste en repos. Voici mon principe essentiel : l’origine première du mouvement dans l’univers ne doit pas être attribuée à l’action d’une matière en mouvement : car on n’aurait pas ainsi l’origine des premiers mouvements. Il ne faut pas non plus la chercher dans l’action immédiate de Dieu ou d’une intelligence quelconque, tant qu’il est possible de l’expliquer par l’action d’une matière en repos. Dieu s’épargne autant d’action qu’il le peut sans compromettre le mécanisme du monde ; et il donne à la nature.autant d’énergie et d’activité qu’il est possible. Si l’on suppose que le mouvement a pu être introduit dans le monde pour la première fois par l’action d’une matière en soi morte et immobile, il pourra se conserver et se reproduire, là où il aura cessé, par l’action de cette même cause[2]. »

L’auteur, dans ces lignes, oppose décidément le principe de l’attraction newtonienne à celui de l’inertie, que soutiennent à la fois Descartes, Leibniz et Wolf.

Ce n’est pas assez pour Kant de soutenir les principes du maître, il veut les fortifier et les étendre par de nouvelles applications. L’Histoire générale de la nature et la théorie du ciel, ou essai sur la structure et l’origine mécanique du système de l’univers d’après les principes de Newton, 1755, est, de toutes les œuvres de Kant, celle assurément où la puissance et l’originalité de son génie mathématique et l’inspiration de Newton se manifestent avec le plus d’éclat. C’est surtout à propos de cet écrit que Guillaume de Humboldt déclarait que l’étendue de l’imagination chez Kant n’était pas inférieure à la profondeur et à la pénétration de l’entendement. Ce livre, que nous regrettons de ne pas voir encore traduit dans notre langue, résume les études et les méditations des années que Kant passa en dehors de Kœnigsberg : années de libre essor, d’ardente curiosité et de juvénile enthousiasme.

Newton avait expliqué, à l’aide des principes de sa physique mécanique, l’état actuel et la conservation de notre système planétaire : il n’avait osé ni scruter l’origine de notre monde, ni étendre sa théorie à l’univers entier. Mais invoquer le doigt de Dieu, c’était limiter arbitrairement les investigations de la science et mettre en doute la valeur de la physique nouvelle. Comme le dit excellemment.

  1. Ibid., p. 57.
  2. Ibid., p. 59.