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tent qu’il y a chez l’homme des sentiments égoïstes et altruistes. C’est de la juste balance de ces deux qualités que résultent la morale et la société. Mais ce qui constitue celte dernière, c’est la solidarité réciproque de tous ses membres. Ainsi tombent les théories idéalistes du Christianisme, de Fichte, de Hegel et de Kant. Cependant ces philosophies n’ont pas été inutiles ; et les services que peuvent nous rendre l’ethnologie, l’économie politique et les sciences naturelles sont également précieux, en tant qu’ils éclairent l’origine et le progrès de la morale, ce qui est le but de l’éthique sociale.

Le droit, p. 42-55. Selon Jellinek, le droit est le minimum éthique qui suffit au maintien de la société. Le Décalogue et les cinq commandements des Boudhistes en montrent la portée morale. — La philosophie individualiste a séparé le droit et la morale. Kant croit que l’individu crée l’idéal et que le droit demeure indifférent à la morale. Schopenhauer y voit la négation de l’injustice ; Krause le considère comme un tout organique, dont naîtraient des circonstances, dépendantes de la volonté, pour réaliser la destinée commune ; Trendelenburg le définit, le contenu du résultat général de l’acte, par lequel se soutiennent et se développent le tout moral et ses membres. La définition du droit comme réalisant les conditions de l’existence par la volonté humaine a provoqué l’objection que par là on accorde à ces décisions trop d’importance. Mais elles démontrent justement le caractère conservateur du droit relativement à la société considérée à un point de vue concret. Or l’assentiment général ne constitue-t-il pas le droit ? Qui niera que la volonté générale peut être provoquée, déçue ? Le droit qu’invoque un tyran n’est droit que formellement, car matériellement il est injuste. Sachons que la règle n’existe pas d’abord par la conscience publique ; mais, si elle est méconnue, les conséquences en seront fâcheuses.

En résumé, le droit conserve toute société, et son développement suit celui des idées sociales et religieuses.

Le crime, p. 56-90. D’après la définition du droit, le crime est naturellement le point au-dessous du minimum éthique et un attentat contre l’action préservatrice du droit. Il se propage par l’imitation, crée l’insécurité et déprime l’autorité. Il a été appelé une maladie de la volonté, expression qui a donné lieu à d’interminables débats au sujet de la liberté de la volonté et de la responsabilité. Aucun des adversaires n’a défini nettement le problème, sans en excepter Kant, Schelling et Schopenhauer. Kant nie qu’on puisse juger le mérite moral de nos actions, ni en déduire ce qui revient à la liberté, à la nature et au tempérament. Cependant la statistique morale n’admet point de volonté sans motif. L’homme reste sujet aux influences de la nature et de la société, et, probablement comme les phénomènes naturels, ses actions obéissent à de certaines lois.

Lange envisage la liberté comme une conscience subjective, et la nécessité comme un fait de l’expérience objective, et n’admet entre