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séparés. Le réalisme cependant envisage ce dernier comme une division de la morale. Dès lors, le droit comme la morale n’est point immuable, mais c’est une notion qui change selon l’état social des peuples, et qui a son origine dans cet état lui-même. Kirchmann distingue le droit particulier et le droit public. Le droit particulier regarde la propriété, les contrats et la famille qui ont été définis de différentes manières par les philosophes. Le réalisme n’y voit que les notions flottantes et même contradictoires qui ont prévalu à l’égard de ce droit et s’arrête à constater le dernier développement social qui les concerne.

Le droit public est du domaine de l’autorité. Or celle-ci, d’après le réalisme, est au-dessus de la morale et est aussi la source du droit. L’autorité comprend l’État, l’Église et les rapports internationaux. À l’égard des différents systèmes de gouvernement on a souvent posé cette question : quel est le meilleur ? Nous ne devons point nous étonner, diaprés les aveux du réalisme, qu’il dédaigne cette question, et qu’il réponde que ce qui existe, quel qu’il soit, est le meilleur, et le mieux approprié au peuple qui y est soumis. Par conséquent, l’auteur ne condamne ni les coups d’État, ni les révolutions. Le principe qui triomphe a raison. — Poussant ces théories plus loin, il nie la possibilité d’en finir avec les guerres, ou de faire accepter l’arbitrage, à moins qu’il ne s’agisse de questions peu importantes.

La science a codifié les lois. Il y a même des législateurs qui se sont opposés à ce qu’on les critique. Mais tout jugement est sujet à des erreurs qui troublent la vie morale. Quand cet état de choses a été insupportable, on y a remédié en modifiant les lois.

Nous avons vu que le réalisme constate seulement ce qui existe en fait de morale et en fait de droit. Il n’est pas étonnant qu’il rejette dédaigneusement toute idée de progrès moral, malgré tout ce qui a été écrit pour soutenir le contraire. Il s’appuie sur la morale qui a prévalu chez les Grecs, les Romains et d’autres peuples, pour démontrer qu’il n’y a pas d’idéal immuable, mais que l’histoire nous montre une variété de mœurs résultant de l’autorité prépondérante.

L’Esthétique[1]. — L’homme a créé un monde idéal de beauté où il se réfugie contre les misères de la vie. Ce sentiment s’appuie sur la représentation d’objets réels. Le réalisme y voit le portrait idéalisé de la réalité qui existe dans l’âme.

Kirchmann expose en détail ce que c’est que la beauté et donne beaucoup de subdivisions du beau, mais nous trouvons qu’elles se rattachent toutes à deux : le beau naturel et le beau artificiel, soit qu’on les appelle sublime, beau simple, symbolique, classique et romantique. — Tout réaliste qu’est Kirchmann, il se trouve forcé d’admettre que la réalité prosaïque, telle que les soucis, la fatigue, la dévotion, peu

  1. Katechismus der Philosophie, p. 175, 225.