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analyses. — horwicz. — Moralische Briefe.

sentiment honorable avec quelques autres, banal ainsi que la plupart, malheureusement aveugle comme tous. Sans l’atmosphère vivifiante de la multitude, est-il dit, l’art s’atrophierait, la science dégénérerait en une langoureuse bibliomanie. Jamais plus regrettable contradiction n’avait été apportée à la maxime « savoir, c’est pouvoir », jamais l’instruction n’a été plus impuissante qu’aujourd’hui… C’est cependant dans la participation des classes inférieures à la culture générale que réside, paraît-il, sa mission la plus élevée. Rarement recherchée par les romans, entravée par les revues et les journaux (poisons, hélas ! trop répandus), cette participation n’est réalisable, au dire de l’auteur, que par le goût, l’étude et le culte des livres utiles d’histoire, de littérature et de sciences. Ainsi, tandis que Ranke et Mommsen, de Sybel et Max Müller, Helmholtz et Tyndall seraient les têtes de la société nouvelle, Mlle Louise Mühlbach et M. Sacher Masoch seraient impitoyablement bannis de la république, bannis sans même pouvoir espérer du législateur les dernières consolations que l’indulgence antique daignait accorder à leurs infortunés devanciers.

Il n’est pas besoin de dire que ces idées, pour être nobles et généreuses, n’en sont pas moins des illusions et des utopies. Si la science dans ses délicatesses profondes, dans ses incohérences criardes et ses ignorances grandioses est destinée à rester toujours le partage et le privilège du petit nombre, pourquoi vouloir imposer à tous les faussetés d’une connaissance facile et expéditive ? Pourquoi vouloir rendre contagieuses les intempérances du spécialiste qui vient griser ses doutes devant un parterre de gens du monde ? L’ignorance d’un rustre n’est-elle pas bien supérieure au dogmatisme d’un maître ouvrier et aux outrecuidances d’un magister de village ? En vain allègue-t-on l’excuse du bonheur et de la moralité. La science sérieuse n’est pas plus une école de plaisir qu’une leçon de morale. Devant la perspective d’un millier de vérités à découvrir s’évanouit bien vite la joie d’une vérité entrevue ; plus de lumières implique plus d’ombres ; qui dit organisation plus complexe dit maladies plus nombreuses.

L’idée que notre moraliste se fait du roman a inspiré à M. Th. Gautier la vigoureuse préface que l’on sait : nous prenons la liberté de soumettre à l’attention de M. Horvicz cette éloquente protestation.

Le dernier chapitre, intitulé « Travail général utile », renferme des considérations sur l’influence et le but moral du travail, sur l’importance des intérêts généraux, sur la nécessité dans les masses d’un sentiment chaleureux, enfin des appels en faveur des diverses fondations de charité.

L’auteur trouve sa conclusion dans quatre vers d’Uhland :

Je me sens impuissant pour l’éloge et le blâme,
Car ce n’est pas encore de tous points consolant ;
Toutefois dans maint œil je vois chanter la flamme,
Et de maint cœur j’entends sourdre le battement.

Ce sera aussi notre conclusion. La critique ne peut ni louer ni