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ANALYSES ET COMPTES-RENDUS



R. Mayr. — Die philosophische Geschightsauffassung der Neuzeit. La conception philosophique de l’histoire à l’époque moderne. Tome Ier ; 1 vol. in-8o, xii-247 pages. Hölder. Vienne, 1877.

Comme les autres ordres de recherches, la philosophie de l’histoire a subi de nombreuses fluctuations avant d’arriver à sa forme positive, celle du temps présent. Si l’on se borne, ainsi que l’a fait M. Mayr, à en étudier les vicissitudes à partir de la révolution chrétienne, on est frappé de l’application singulièrement vraie que trouve ici la « loi des trois états » : liée d’abord aux mythes religieux, puis métaphysique sans cesser d’être croyante au gré des âges et des milieux, la philosophie historique est finalement devenue scientifique et morale en dehors de toute dogmatique. C’est ce progrès que M. Mayr a songé à mettre en lumière : son livre, encore inachevé, tire de là son unité et son très-sérieux intérêt.

Trois époques marquent à ses yeux la transformation signalée : 1° des Pères de l’Église au xvie siècle ; 2° de la Renaissance à la fin du xviie siècle ; 3° du xviiie siècle jusqu’à nous.

I. La philosophie chrétienne de l’histoire, immuable comme le dogme dont elle est la glorification, éveille le souvenir des plus belles prophéties juives, qu’elle dépasse d’une hauteur infinie : c’est le sort de l’humanité en effet, non d’un peuple, que l’oracle divin révèle. Le prophète s’appelle ici saint Augustin. — L’histoire du monde habité par l’homme n’est qu’un accident éphémère de l’éternité : celle-ci était avant, elle sera après. Le nœud de la tragédie à laquelle nous assistons, c’est le péché d’Adam : le dénouement sera la rédemption, non pour tous les fils de l’homme, mais pour un petit nombre d’élus prédestinés. Dès maintenant, il y a sur terre deux camps, la cité de Dieu (civitas cœlestis) et la cité du démon (civitas terrena), comme là-haut deux armées, l’armée des anges et l’armée de Satan. Le monde païen, dans son entier, est dévolu au prince des ténèbres. Avant Jésus-Christ, le peuple juif, seul, jouit du privilège d’être le représentant de la cité céleste : aujourd’hui, c’est l’Église ou la nouvelle Jérusalem, en attendant le retour prochain du Rédempteur. Car le monde est vieux et touche à sa fin, et voici qu’approche le règne de l’Antéchrist. Belle épopée mystique à coup sûr, et d’autant plus digne de retenir les regards