Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VI.djvu/596

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
586
revue philosophique

de la conscience, en un mot la perception réfléchie, est cette fonction de conscience qui est l’arbitre suprême de toutes les autres, à la barre de laquelle toutes doivent se présenter. Dans ce mode, les objets sont envisagés tels qu’ils sont par rapport au sujet seul, tels qu’ils sont sous leur aspect subjectif, qui a la même extension que leur aspect objectif et en est inséparable ; et, en même temps, tels qu’ils sont en eux-mêmes, dans leur nature et leur analyse, et non dans leur connexion avec d’autres objets de conscience, ce qui fait leur genèse ou leur histoire. Comme percepts, ils sont étudiés étroitement en eux-mêmes ; comme percepts de réflexion, ils sont étudiés sous leur aspect subjectif, ou tels que l’observateur les connaît immédiatement ; et ainsi la nature de la chose perçue, telle qu’elle est per se, est, pour la perception réfléchie, identiquement la même que cette nature qui est immédiatement connue de l’observateur. »

La perception (non la conception) réfléchie est donc le mode de conscience qui rend possible toute vérification finale des faits aussi bien que des théories ; en tant que réflexion, en tant qu’elle rappelle et répète les phénomènes des deux autres modes, primitif et direct, elle n’a d’autre contenu que ces phénomènes et ne peut servir en aucune manière à des découvertes nouvelles ou transcendantes. La méthode de réflexion consiste dans un nouvel examen des phénomènes, en se conformant à la règle d’examiner leurs deux aspects, subjectif et objectif, en conjonction l’un et l’autre. En un mot, la réflexion découvre d’abord le double aspect, elle l’applique ensuite, et cette application constante et méthodique constitue la métaphysique.

Cette méthode est la seule source de toute vérification, et les savants n’en auraient pas méconnu l’importance, s’ils avaient compris que l’observation directe à laquelle ils s’en rapportent en dernière analyse est seulement une des formes qu’elle revêt, un ensemble de procédés auxquels la réflexion donnerait, sans les contredire, une portée beaucoup plus grande. Ils ont exagéré la valeur de leur instrument ; ils se sont volontairement bornés jusqu’alors aux données de la conscience directe, sans songer que l’on pouvait découvrir une explication plus profonde des faits, en identifiant résolument toutes les qualités de prétendus objets extérieurs à des sensations du sujet. Quant aux philosophes proprement dits, ils se sont perdus le plus souvent dans leurs rêveries ontologiques.

Mais si la réflexion consiste à identifier les qualités de la matière avec les sensations ou des relations de sensations, comment pourrons-nous savoir si nos « aspects objectifs » sont les mêmes que ceux d’autres individus ? Comment passerons-nous de notre