Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VI.djvu/59

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
49
nolen. — les nouvelles philosophies en allemagne.

de temps el d’espace, que la causalité établit entre les atomes, expriment l’ordre même des représentations de la pensée éternelle. La critique de Lange se garde bien de ces affirmations audacieuses. Elle fait profession d’ignorer tout ce qui dépasse la sphère de la subjectivité, et ne considère le temps, l’espace, la matière, l’atome et le mécanisme que comme des formes de concevoir inhérentes à l’entendement humain, en dehors desquelles cesse pour nous toute compréhension, mais dont rien ne saurait garantir la vérité objective. Ajoutons encore que Hartmann n’est pas éloigné, dans l’élan de son idéalisme, de prêter la conscience même aux atomes, après qu’il a reconnu expressément en chacun d’eux, comme dans l’absolu lui-même, dont ils ne sont que des modes inférieurs, les deux attributs indissolubles de l’idée et de la volonté.

Il est intéressant de nous demander comment se comportent les trois doctrines vis-à-vis du principe nouveau de la conservation de l’énergie et de la transformation des forces. Sur ce point, comme sur d’autres, c’est le philosophe qui semble le moins accorder à la spéculation ou à la critique, qui s’écarte en réalité le plus des enseignements de la science proprement dite. Dühring repousse résolument l’hypothèse de la transformation des forces. Il n’admet pas que les lois mécaniques qui président à la manifestation des propriétés physiques suffisent à rendre compte des combinaisons chimiques. La corrélation des propriétés physiques elles-mêmes ne lui paraît pas encore prouvée. Lange, au contraire, n’hésite pas à soutenir que toutes les forces de la matière, c’est-à-dire que toutes ses propriétés mécaniques, sont réductibles les unes dans les autres : et le principe de la conservation de l’énergie ne comporte, à ses yeux, aucune restriction, bien qu’il reconnaisse sans peine que l’expérience est encore fort éloignée d’en fournir la démonstration rigoureuse et complète. Hartmann est moins affirmatif. La science comme la critique ne lui paraissent exiger qu’une chose : c’est que les lois de la physique soient partout respectées, puisque, comme disent Leibniz et Kant, l’ordre et par suite l’intelligibilité des phénomènes sont à ce prix. Mais, une fois ces règles générales respectées, il n’est pas interdit de supposer que le mécanisme obéit à des lois spéciales dans le jeu des propriétés chimiques et surtout des propriétés organiques.

Le problème des origines et de la nature de la vie n’est pas moins diversement résolu que celui de la matière. La vie n’est pour Dühring que la manifestation de certaines énergies, latentes au sein de la matière, tant que les conditions nécessaires de leur apparition ne sont pas encore réalisées. Elle n’est pas un simple effet des pro-