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temps écoulé. Quant à l’imagination enfantine, elle offre tous les caractères du rêve incohérent, que l’attention ne gouverne pas. J’ai été quelquefois effrayé de la facilité qu’on trouve à faire divaguer un enfant, pour peu que l’on sollicite son imagination. Ce qu’il faut remarquer aussi, c’est que l’enfant confond souvent et de la meilleure foi du monde ce qu’il imagine et ce qu’il a réellement perçu, comme l’homme à moitié éveillé qui prend encore ses rêves au sérieux. L’association des idées, ou pour mieux dire l’association de tous les phénomènes qui s’accomplissent dans la conscience de l’enfant, a aussi, dans les premières années de la vie, sa physionomie propre. Je veux croire, comme a essayé de le montrer M. Pérez dans une analyse ingénieuse, que l’enfant établit ses associations selon tous les rapports classiques de continuité, de ressemblance, de causalité, etc. Mais ce qu’on ne saurait trop faire remarquer, c’est que les associations fortuites, accidentelles et superficielles, dominent l’imagination de l’enfant. Elles déconcertent souvent par leur bizarrerie l’intelligence de l’observateur. J’ai vu un baby de deux ans qui dans un livre d’histoire naturelle reconnaissait et indiquait par leurs noms un grand nombre d’animaux : arrivé à un perroquet très-colorié, il l’appelait invariablement maman. Après mainte expérience, il fallut reconnaître que dans l’emploi de cette singulière appellation l’enfant se laissait guider par une association tout extérieure d’idées entre le perroquet aux plumes de couleur, et les costumes plus brillants, plus éclatants de sa mère et des femmes en général. L’esprit de l’enfant obéit sans doute déjà aux grandes lois de la nature intellectuelle, mais, outre qu’il ne connaît encore que peu de choses et qu’il est incapable de réflexion, on peut dire que son infériorité, même en fait d’association et d’imagination, provient de ce que le temps n’a pas encore accompli en lui cette sélection naturelle qui peu à peu écarte les images indifférentes, les rapports frivoles, pour ne laisser subsister que les perceptions utiles et les liaisons solides.


IV


On a pu remarquer que dans les pages qui précèdent nous nous sommes volontairement abstenu de tout essai d’explication touchant les phénomènes de la vie de l’enfant. M. Pérez ne pratique pas cette réserve, et il mêle, un peu indiscrètement peut-être, à l’exposition des faits des hypothèses absolues. Il abuse de la physiologie et de la théorie de l’évolution. Ce n’est pas que nous repoussions les explications