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LA PSYCHOLOGIE DE L’ENFANT

D’APRÈS DES TRAVAUX RÉCENTS[1]



I


Rien ne prouve mieux les progrès réels accomplis par la philosophie contemporaine que le redoublement d’attention accordé aux phénomènes les plus humbles, les plus obscurs de la vie morale des enfants. Il est maintenant permis d’espérer que dans un avenir prochain, grâce aux observations multipliées de parents psychologues, assez observateurs pour noter au jour le jour l’évolution mentale de leurs nouveau-nés, on arrivera à constituer ce qui pourrait s’appeler la psychologie infantile. On ne saurait trop encourager à ce point de vue la mode des journaux paternels et maternels, où sont recueillies et fixées les manifestations fugitives des divers moments de la vie des plus petits enfants.

Cette observation quotidienne, faite par des témoins attentifs et sympathiques, est le seul moyen que nous ayons de pénétrer les secrets d’un développement mystérieux qui échappe au souvenir personnel. Il est évident, en effet, que nous ne pouvons rien savoir par nous-mêmes de ce qui s’est accompli dans notre âme pendant les deux ou trois premières années de notre existence. La conscience ne saurait remonter à sa source : une fois formée, elle est bien incapable de se rappeler comment elle s’est formée.. Cette impuissance résulte d’ailleurs de plusieurs causes : d’abord, les phénomènes moraux de l’enfance, quoique déjà conscients, le sont trop peu pour laisser des traces durables dans la mémoire ; de plus, ces phénomènes se modifient tellement d’un jour à l’autre, dans cette période de formation et de crise où les facultés s’organisent, qu’ils s’effacent en quelque sorte et s’obscurcissent les uns les autres : ils constituent comme des couches successives, et sont, si je puis dire, une série de palimpsestes superposés. Ce n’est donc

  1. Les trois premières années de l’enfant, par B. Pérez. 1 volume in-12. Paris, Germer Baillière, 1878.