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depuis celles qui ont révélé la faculté des éléments anatomiques de vivre après leur séparation de l’organisme, qui ont montré la même faculté dans des tissus tels que l’épiderme, dans des organes qui peuvent subsister après avoir été segmentés, tels que la queue des larves de grenouilles, ou après avoir été transplantés, tels que les os des petits mammifères, du rat, du lapin, jusqu’aux expériences sur la divisibilité des animaux inférieurs, des polypes, des vers, des planaires.

Il est bien entendu que tous ces faits, M. Chauffard les reconnaît : cependant il tente de les atténuer dans leur réalité et dans leur interprétation. Que se passe-t-il dans la segmentation d’une annélide ? Croit-on qu’il y ait partage en deux, trois, quatre parts de l’unité vivante primitive, chaque segment retenant une moitié, un tiers ou un quart d’unité ? Nullement ; il y a, selon M. Chauffard, deux, trois ou quatre unités vivantes subitement engendrées. — C’est une génération par scission ou bourgeonnement qui s’est produite plus subitement que d’ordinaire, dans laquelle l’être engendré a reçu, selon les lois de la génération, une unité comparable à celle du générateur d’où il sort. — Voilà une explication singulièrement hasardée et arbitraire, qui ne sera acceptée, croyons-nous, par aucun naturaliste ayant étudié les conditions de la scissiparité ou de la gemmiparité naturelles et connaissant le travail organique qui prépare ces générations et les rend possibles, travail qui fait évidemment défaut dans la scission artificielle.

M. Chauffard va plus loin, et il voit dans ces faits de segmentation une admirable confirmation de l’idée de l’unité vitale. Les parties, toutes pénétrées de la vie émanée du tout, conservent en elles, pour un temps, l’unité vivante qui les fécondait : elles demeurent pleines de cette unité qui les a engendrées et dont elles ne cessent de faire partie, quoiqu’on étant artificiellement séparées.

Ici encore, nous tombons en éblouissement ; mais cessons de contester : ne témoignons pas de surprise de ce que le même argument qui, pour la majorité des physiologistes, établit l’indépendance des parties de l’organisme, en fonde tout au contraire l’unité pour M. Chauffard. Acceptons l’interprétation qu’on nous présente comme ces pilules dont parlait Hobbes qu’il faut avaler sans les mâcher, et passons aux conséquences. Le système va tout d’un coup s’éclairer d’une vive lumière et devenir intelligible.

Qu’est-ce en effet que cette idée d’unité qui domine les éléments et qui subordonne leurs activités à la fonction de l’ensemble ? L’idée d’un tout déterminant ses parties, c’est, depuis Kant jusqu’à M. Lachelier, par définition même, la cause finale. — Les obscurités se