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charpentier. — la logique du hasard

Nous venons de comparer entre elles la probabilité que Pierre gagne justement 5 fois sur 40, 50 fois sur 100, 500 fois sur 1,000, comparons présentement la probabilité que Pierre gagne à peu près 5 fois sur 10, 50 fois sur 100, 500 fois sur 1,000, etc. La probabilité que Pierre gagne à peu près 5 fois sur 10 est plus petite que la probabilité que Pierre gagne à peu près 50 fois sur 100 ; la probabilité que Pierre gagne à peu près 50 fois sur 100 est plus petite que la probabilité que Pierre gagne à peu près 500 fois sur 1,000, etc. Ainsi, à mesure que le nombre des parties augmente, la probabilité que Pierre gagnera à peu près la moitié de ces parties augmente et peut devenir enfin aussi grande qu’on voudra.

Voilà certes un résultat imprévu et qui a de quoi surprendre. À mesure que l’on considère des séries de parties de plus en plus grandes, la probabilité que Pierre gagnera justement la moitié des parties de chaque série diminue, tandis que la probabilité que Pierre gagnera à peu près la moitié des mêmes parties augmente. Et, tandis que la première probabilité diminue indéfiniment, la seconde augmente indéfiniment.

Il nous est impossible d’exposer en détail les applications que l’on peut faire de ce célèbre théorème, mais nous devons essayer d’en faire comprendre la portée au moins par un exemple.

On me présente une urne qui contient deux boules, et on me demande de décider si les deux boules sont de la même couleur, en me permettant de tirer une boule, de constater sa couleur, puis de la remettre dans l’urne, avec la faculté de recommencer indéfiniment l’expérience.

Je tire une boule de l’urne ; cette boule se trouve blanche. Ce seul essai ne paraît pas bien concluant.

Je fais une nouvelle expérience composée de dix épreuves. Dans les dix épreuves, la boule tirée se trouve blanche. Là-dessus, voici comme je raisonne : Si les deux boules sont de couleur différente, la probabilité d’amener dix fois de suite une boule blanche est, d’après la règle de Bernoulli, . C’est donc un événement qui dans une longue suite d’épreuves ne devrait pas se présenter plus souvent qu’une fois sur 1,024 événements. J’ai donc à choisir entre ces deux hypothèses : ou que les deux boules seront blanches, ou qu’un événement fort rare s’est produit. La première hypothèse est évidemment préférable.

Je fais encore une nouvelle expérience, composée cette fois de 100 épreuves. Dans les 100 épreuves, la boule tirée s’est trouvée blanche.

J’ai maintenant à choisir entre ces deux hypothèses : ou que les deux boules sont blanches, ou qu’un événement s’est réalisé, dont la