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degrés de l’échelle des vibrations ; en d’autres termes, entre les vibrations du son, par exemple, et celles de chaleur et de lumière, il existe un grand intervalle d’échelons totalement dépourvus d’effet sur nous. Cette apparente lacune de notre organisation est un précieux avantage qui nous permet de classifier les sensations.

3° Et surtout : aux mêmes mouvements moléculaires extérieurs correspondent toujours les mêmes sensations, car les facultés élémentaires des organismes, même dans la théorie de Darwin, ne se transforment qu’avec une extrême lenteur.

Ces trois faits importants permettent seulement la production de la connaissance, mais ils ne l’engendrent pas : le procédé constitutif de la connaissance est, comme on l’a vu, la reproduction, autrement dit le souvenir et la reconnaissance du semblable. Tout le problème de l’objectivité de la connaissance se ramène donc à cette question : La ressemblance est-elle un fait objectif ou subjectif ? Remarquons que nous touchons ici le nœud vital de la discussion, et que dès l’abord il peut paraître suspect que M. Horwicz, si peu sujet d’ordinaire à la magna libido tacendi, expédie dans le court espace de deux pages une si grande difficulté. Voici d’abord son critérium (assez contestable d’ailleurs) du subjectif et de l’objectif : « Sur ce qui est purement subjectif, nous pouvons exercer une certaine influence arbitraire ; au contraire, ce qui est objectif ou vient du dehors est soustrait par cela même à notre arbitraire. » Cela posé, notre auteur raisonne ainsi :

1° Au premier abord, la similitude paraît entièrement subjective et arbitraire : il semble que nous puissions comparer toutes choses les unes aux autres. Mais remarquons que, si nous pouvons comparer entre eux deux objets quelconques, nous ne le pouvons que sous de certains rapports : ainsi le sucre peut être comparé à la neige sous le rapport de la couleur, mais non sous celui du goût. Notre pouvoir arbitraire a donc ici des limites nettement fixées ; d’où il suit que la similitude n’est pas chose purement subjective, mais renferme des éléments objectifs.

2° Si l’on prétend que la similitude que nous attribuons aux choses est subjective, reste à expliquer la similitude des sensations. Est-elle objective ? voilà l’objectif rétabli dans une partie importante du domaine de la similitude. Est-elle subjective ? il faut expliquer la similitude des perceptions de perceptions, ou aperceptions. Le même dilemme se représente pour celles-ci, et ainsi de suite à l’infini. « Or ce progressus ad infinitum prouve toujours la fausseté de l’hypothèse adoptée » (p. 110).

Des deux arguments de M. Horwicz, nous écartons immédiatement le second, qui n’est qu’un sophisme, comme tous les raisonnements où l’on invoque l’ἀνανγϰὴ στῆναι ; le « besoin de s’arrêter » est une nécessité purement logique et subjective sur laquelle on ne saurait fonder une démonstration sérieuse. Le premier argument, au contraire, mérite d’être pris en considération ; seulement il ne prouve nullement l’existence