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analyses. — Flint. The Theism.

gnage de l’histoire. L’action de Dieu dans le cours des événements humains ne nous paraît pas pouvoir être l’objet d’aucune constatation rigoureuse, et cela par la raison que ces événements sont aussi des produits de la liberté humaine. Quelle est la part de l’homme ? quelle est celle de Dieu ? Questions, selon nous, insolubles. Il y a même péril à trop chercher Dieu dans l’histoire ; comme on ne saurait se résigner à ne voir en lui qu’un acteur secondaire, on risque de tomber dans cet optimisme immoral qui divinise la force triomphante et frappe d’anathéme les défenseurs malheureux des causes vaincues.

Quant aux preuves métaphysiques ou à priori, M. Flint est loin d’en méconnaître la haute valeur, et il défend spécialement l’argument ontologique de Descartes contre les objections de Kant. Celui-ci reconnaît qu’étant donnée l’idée de parfait, il s’ensuit nécessairement que le parfait existe, de même qu’étant donné un triangle, il suit nécessairement que ses trois angles sont égaux à deux droits, mais il soutient qu’on peut concevoir que ni le parfait ni le triangle ne soient donnés. Il faudrait prouver, répond M. Flint, qu’on peut, dans l’un et l’autre cas, supprimer le sujet. Nous pouvons bien dire : Il n’y a pas de triangle ; mais, par cette négation même, nous en affirmons l’existence. « De même, je puis dire : Il n’y a pas de Dieu, mais ce n’est pas là annuler, c’est au contraire impliquer l’idée ; de Dieu, et c’est de l’idée, de Dieu que, selon Descartes, l’existence de Dieu suit nécessairement. Kant aurait dû voir que cette proposition : Il n’y a pas de Dieu, ne détruit pas un argument dont l’objet est précisément de prouver que cette proposition est contradictoire. »

On objecte encore contre la preuve de Descartes que l’existence ne peut être un prédicat. — Sans doute, l’existence pure et simple ne peut être un prédicat ; mais il n’en est pas de même des qualifications ou déterminations de l’existence ; « or, l’argument n’implique pas que l’existence soit un prédicat ; il implique seulement que la réalité, la nécessité, l’indépendance de l’existence sont des prédicats de l’existence, et il l’implique sur ce fondement que l’existence in re peut être distinguée de l’existence in conceptu, l’existence nécessaire de l’existence contingente, l’existence par soi de l’existence dérivée. Les distinctions spécifiques peuvent certainement être des prédicats. Qu’en retranchant de l’idée de Dieu l’existence (et il s’agit ici de l’existence réelle et nécessaire), nous ne restions pas avec une idée de Dieu incomplète, c’est là une assertion qui ne peut être soutenue. Supprimez l’existence du nombre des éléments que renferme l’idée d’un être parfait, et l’idée devient soit l’idée d’un pur néant, soit l’idée d’une idée ; elle n’est plus en aucune manière l’idée d’un être absolument parfait. »

Toute cette argumentation est aussi neuve que solide. On exagère volontiers la portée des objections de Kant, contre la preuve ontologique ; M. Flint nous paraît les avoir réduites à leur juste valeur.

L’ouvrage se termine par de nombreux appendices qui tiennent près de la moitié du volume et qu’on ne lira pas sans profit.

Y.