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analyses. — gizycki. Philosopische Consequenzen, etc.

théorie biologique et zoologique de Lamarck et Darwin, les derniers travaux psychologiques et les théories linguistiques de M. Müller, de Schleicher, de Steinthal.

Or, la doctrine darwinienne n’est qu’un groupe dans cette série d’explications, une expression détachée de la formule générale du développement continu des choses, c’est-à-dire de la concevabilité universelle des faits. Ce n’est pas que le transformisme, tel que l’exposent ses chefs autorisés, paraisse à M. Gizycki de tout point irréprochable : il est surtout puéril aux darwiniens d’exclure du concept de l’évolution organique des espèces toute idée de finalité bien entendue. La téléologie est réellement inopportune dans l’explication des faits de détail ; mais en est-il de même dès qu’on s’élève à la considération universelle de la nature ? Qu’on rejette la téléologie anthropomorphique, cette idolâtrie qui borne les destinées de l’univers à la destinée humaine ; qu’on repousse aussi bien l’idée d’une finalité introduite par force au sein des choses, en lutte perpétuelle avec le mécanisme de la nature, cela résulte des conditions essentielles de l’explication scientifique. Mais pourquoi ne pas reconnaître une finalité tout autre, absolue, inséparable du déterminisme le plus complet des faits ? Est-il logique d’admettre une conformité à des fins, comme résultat, là où il n’y aurait aucune espèce de finalité comme principe (pp. 9 et 82) ? « Le concept de finalité est, lui aussi, une catégorie objective de la nature (préf., p. i). »

Sous cette réserve importante, M. Gizycki examine l’intérêt que peut offrir la doctrine transformiste à la psychologie, à la théorie de la connaissance, à la morale et à la religion.

I. Psychologie. — En général, on reconnaît aujourd’hui avec Darwin que la vie organique et animale, primitivement manifestée sur notre globe sous des formes très rudimentaires, s’est élevée peu à peu, par une adaptation progressive à des conditions géologiques et cosmiques lentement modifiées, aux formes les plus riches de l’organisation. Mais l’origine même de la vie sur notre planète serait-elle à chercher au sein du monde physique ?

Le matérialisme le croit : le règne des êtres vivants sort, suivant cette doctrine, du règne des êtres inanimés par voie de génération spontanée (generatio æcquivoca), et cette opinion est partagée par le savant naturaliste Hseckel, opinion à peine acceptable, même si toutes les manifestations de la vie étaient bornées au monde des végétaux. « Le plus riche tableau d’une forêt vierge du Tropique, esquissé par un Bernardin de Saint-Pierre, un Alexandre de Humboldt, un Pœppig, dit Dubois-Reymond, n’offre aux regards du naturaliste philosophe rien de plus que de la matière en mouvement. » Mais la vie animale consciente d’elle-même est autre chose qu’une suite d’impressions et de chocs, autre chose qu’un phénomène de mouvement propre au système cérébral. Voilà pourquoi les plus grands savants de nos jours se déclarent nettement immatérialistes.

À la tentative désespérée du matérialisme répond en sens contraire