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charpentier. — la logique du hasard

entrer dans les combinaisons des nombres d’erreurs de plus en plus grands.

3° Le seul avantage d’une méthode (comme la règle des moindres carrés), c’est qu’elle permet d’approcher de la limite plus rapidement qu’une autre méthode.

Ces trois points sont établis par des considérations simples et naturelles dont l’enchaînement est un modèle d’analyse philosophique. On voit ainsi qu’il y a avantage à substituer des moyennes aux simples observations ; mais on apprend aussi à bien connaître la nature de cet avantage et à ne pas en exagérer la portée.

J’aurais voulu ne pas me borner à indiquer une seule application particulière des vues théoriques de M. Venn ; mais il faut se borner, et d’ailleurs ce serait se faire une singulière illusion que de croire que la lecture d’un résumé, quelque bien fait qu’il soit, puisse remplacer l’étude de l’ouvrage lui-même, quand il s’agit d’un ouvrage aussi profondément médité que le livre de M. Venn. Pour moi, comme je le disais au commencement, j’ai voulu seulement établir que cette étude est nécessaire à tous les logiciens ; j’ajouterai qu’elle est aisée et qu’elle ne suppose aucune préparation mathématique. M. Venn suit de point en point la méthode que Poinsot recommande dans deux pages admirables qui sont peut-être ce qu’on a écrit de plus juste et de plus complet sur l’emploi des mathématiques dans l’étude des phénomènes naturels. Ces deux pages sont peu connues, parce qu’elles sont comme perdues, sous le titre modeste de Réflexion générale, au milieu d’un Mémoire sur la Rotation des corps[1]. Je les cite en terminant, d’abord pour l’intérêt qu’elles présentent en elles-mêmes, et ensuite parce qu’elles indiquent parfaitement l’esprit qui a animé M. Venn dans tout le cours de son travail.

« Nous voilà donc conduits par le seul raisonnement à une idée claire que les géomètres n’ont pu tirer des formules de l’analyse. C’est un nouvel exemple qui montre l’avantage de cette méthode simple et naturelle de considérer les choses en elles-mêmes, et sans les perdre de vue dans le cours du raisonnement ; car, si l’on se contente, comme on le fait d’ordinaire, de traduire les problèmes en équations, et qu’on s’en rapporte ensuite aux transformations du calcul pour mettre au jour la solution qu’on a en vue, on trouvera le plus souvent que cette solution est encore plus cachée dans ces symboles analytiques qu’elle ne l’était dans la nature même de la

  1. Théorie nouvelle de la rotation des corps présentée à l’Institut le 10 mai 1834. — Réimprimée à la suite de la Statique. Paris, Mailet-Bachelier, 10e éd. 1861.