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aussi utilement à Londres même la cause du roi et de la Révolution. C’est alors qu’à la prière de lord Mordaunt, désormais comte de Monmouth et plus tard comte de Peterborough (l’ami par qui il avait connu Guillaume), il accepta les fonctions de « commissaire des appels », qu’il garda jusqu’à sa mort. Satisfait d’un traitement de deux cents livres que cette charge lui valait, Locke ne voulut pas réclamer au Trésor plus de mille livres d’arrérages auxquels il avait droit. Il renonça de même à se faire réintégrer dans sa place de student à Oxford, de peur de causer des embarras et de déposséder son successeur. De toutes les manières et de toutes ses forces, il travailla à l’apaisement des partis, à l’établissement de la liberté, surtout de la liberté religieuse, aidant et conseillant ses amis les Whigs dans la préparation des bills de « compréhension » et de « tolérance ». De cette époque sont ses ouvrages de théorie politique, ses deux Traités sur le gouvernement, l’un consacré à réfuter le droit divin, l’autre à fixer le rôle et les devoirs du « gouvernement civil », à défendre les droits du peuple. Nous verrons ce qu’il faut penser de cette contre-partie du de Cive, inspirée par le désir de fortifier le gouvernement de Guillaume d’Orange, comme le de Cive l’avait été par le désir de soutenir Charles Ier. En même temps, Locke faisait traduire en anglais son « Epistola de tolerantia », qui venait de paraître à Gouda sans nom d’auteur et à son insu[1]. Cette traduction eut deux éditions coup sur coup, mais suscita de vives attaques, comme il fallait s’y attendre dans un pays si profondément divisé. À celles de ces attaques qui lui parurent de bonne foi, Locke répondit par trois lettres signées : Philanthropus. Ce qu’était alors sa religion, deux pages nous l’apprennent, dans lesquelles il avait condensé en onze articles le credo et le règlement d’une petite « Société des Chrétiens-Pacifiques », formée ou du moins projetée par lui et ses amis. — Enfin les questions économiques, d’où dépendait la prospérité nationale, ne l’occupaient guère moins que les questions politiques et religieuses, d’où dépendait la paix de l’État. Par ses Considérations sur les conséquences de la diminution de l’intérêt et de l’augmentation de la valeur de l’argent, il rendit un grand service à son pays et fut, sinon le fondateur, au moins le précurseur de la science économique.

Durant ces années si remplies, sa correspondance est un peu moins active ; il écrit pourtant à ses amis de Hollande, surtout à

  1. Sous ce titre : Epistola de tolerantia ad clarissimum virum TARPTOLA, Theologiœ Apud Remonstrantes Professorem, Tyrannidis Osorem Limborchium, Amstelodamensem. Scripta a PAPOILA (Pacis Amico, Persecutionis Osore, Johanne Lockio, Anglo).