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herbert spencer. — études de sociologie

vu que les anciens Hébreux, comme les Abyssiniens modernes, avaient l’usage de prendre des trophées sous une forme qui obligeait à mutiler l’ennemi mort ; et, pour les uns comme pour les autres, il en résulte que le vaincu non mis à mort, mais fait prisonnier, subira cette mutilation, comme le signe de l’assujettissement. Tous les faits prouvent que la circoncision était chez les Hébreux le sceau de l’assujettissement. Nous savons que chez les Bédouins actuels, ainsi que M. Palgrave nous l’affirme, on ne conçoit pas Dieu autrement que comme un puissant souverain vivant, et cela nous fait comprendre la cérémonie qui faisait de la circoncision le sceau de l’alliance entre Dieu et Abraham. Cela nous explique encore deux choses : qu’à la considération du territoire qu’il devait recevoir, la mutilation à laquelle Abraham se soumettait voulait dire que « le Seigneur » allait « être un dieu pour » lui ; et ensuite que la marque de l’alliance ne serait pas exclusivement portée par les descendants, à titre d’individus en possession de la faveur divine, mais aussi par les esclaves non issus d’Abraham. » Enfin, quand on se rappelle que dans les croyances primitives le double du potentat mort qui revient ne se distingue point du potentat vivant, on arrive à expliquer une tradition consignée dans l’Exode, qui sans cela demeurerait étrange, tradition qui nous montre Dieu irrité contre Moïse parce qu’il n’a pas circoncis son fils : « Or il arriva que, comme Moïse était dans une hôtellerie, le Seigneur le rencontra et chercha à le faire mourir. Et Séphora prit une pierre tranchante et coupa le prépuce de son fils et le jeta à ses pieds. » (Exode, iv, 24, 25.) Ce qui montre que la circoncision chez les Juifs était le signe de la subordination à Jahveh, c’est que, sous la domination d’un maître étranger, Antiochus, qui introduisit parmi eux des dieux étrangers, la circoncision fut interdite, et que l’on mit à mort les Juifs qui refusaient l’obéissance aux dieux étrangers ; et qu’au contraire Mathatias et ses amis, fidèles au Dieu de leurs pères, se révoltèrent contre une domination et un culte étrangers, firent « le tour du pays, et ils détruisirent les autels, et circoncirent tous les enfants qu’ils trouvèrent dans les limites d’Israël, agissant avec force. » (II Mach., n, 45, 46.) Ajoutons qu’Hyrcan, après avoir subjugué les lduméens, leur imposa l’obligation de se soumettre à la circoncision ou de quitter leur pays. Aristobule imposa également la marque de l’alliance au peuple vaincu del’Iturée.

Voici d’autres faits qui concordent avec nos idées. Mariner rapporte que Touitonga (le grand chef divin de Tonga) n’est pas circoncis, comme le sont tous les autres hommes ; n’étant subordonné à personne, il ne porte point le sceau de la subordination. Nous pouvons ajouter que des tribus qui appartiennent à des races où l’on pra-