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périodiques.Philosophische Monatshefte.

de l’impossibilité du vide, ni dans l’identification de Dieu avec l’âme du monde, et de celle-ci avec la matière, qu’il faut chercher l’originalité véritable de Bruno. Nicolas de Cusa et Palingenius avaient, avant lui, enseigné la première. La seconde avait été professée par Cardan dans son dialogue de Vacuo. Scipion Capece et Marcile Ficin, entre autres, soutenaient la doctrine d’une âme universelle. Ce qui caractérise surtout l’œuvre et le génie de Bruno, c’est qu’il tente de réaliser en philosophie une révolution analogue à celle que Copernic venait d’opérer en astronomie. La philosophie de Platon et d’Aristote est, à ses yeux, dupe de la même illusion que l’astronomie de Ptolémée. Elle juge les choses d’un point de vue tout humain, tout relatif : il faut se placer au centre du monde, pour l’expliquer. Et ce centre de l’univers n’est autre que Dieu, que l’Absolu. C’est de ce point de vue, que se découvrent les erreurs de la perception sensible ; que l’infinité, l’unité du monde se révèlent à nous ; que s’évanouissent les oppositions toutes subjectives et par conséquent mensongères de la matière et de l’esprit, du possible et du réel, etc. La distinction des sens et de la raison, de la connaissance discursive et de la pure intuition, de l’amour sensible et de l’amour intellectuel, qui prépare en maints endroits Spinoza ; la théorie des rapports de l’intellect individuel et passif avec l’intellect actif et universel qui paraît inspirée par Averroes : toutes ces conceptions de Bruno se ressentent de l’influence exercée sur sa pensée par l’exemple de Copernic, sans qu’il faille méconnaître l’action profonde des idées néoplatoniciennes.

Die Philosophie seit Kant, de Harms : Récension par le Dr  H. Witte. Nos lecteurs connaissent déjà l’objet et le plan de l’ouvrage de Harms par l’analyse intéressante qu’en a récemment donnée notre collaborateur, M. Bénard. Nous nous bornerons donc à signaler les réflexions les plus importantes, que la lecture du livre a suggérées au Dr  Witte. « Dans le chapitre sur Kant, l’auteur s’attache à faire ressortir la prédominance de la raison pratique sur la raison théorique. Nous sommes de son avis sur ce point. Comme lui nous croyons que la construction d’un système rigoureux de l’éthique, au sens large du mot, est le plus haut problème de la philosophie. Mais nous ne saurions admettre avec lui que la méthode adoptée par Kant dans la critique de la Raison pratique soit plus originale, plus décisive, plus pénétrante que celle qu’il a suivie dans la critique de la raison pure. Nous nous séparons encore de Harms, en ce que nous croyons que les conceptions théoriques, exposées dans la première, ne diffèrent pas essentiellement de celles que contient la seconde. » Avant Harms d’ailleurs, Jean-Paul n’hésitait pas à préférer les doctrines pratiques de Kant à tout le reste de son œuvre. « Au nom du ciel, écrivait-il à un ami, achetez surtout deux livres, le Fondement à la métaphysique des Mœurs et la Critique de la raison pratique. Kant n’est pas seulement une lumière du monde, mais tout un système de soleils éclatants. » Citons encore cette appréciation du Dr  Witte sur l’ensemble de l’œuvre