Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, III.djvu/66

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
56
revue philosophique

pour arriver à une vue systématique des phénomènes sociaux et pour dégager les lois qui les régissent.

Ce qui domine tout le système de M. Spencer et en fait l’unité, c’est, comme on le sait, sa théorie de l’évolution. Il distingue trois grandes espèces d’évolution : 1° l’Évolution inorganique, qui, dit-il, demanderait deux volumes, l’un traitant de l’astrogénie, l’autre de la géogénie ; Mais il n’a pas cru devoir s’y attarder.

2° L’Évolution organique, beaucoup plus importante et à laquelle il a consacré les quatre volumes qui ont suivi les Premiers principes : deux de ces volumes ont pour objet les phénomènes biologiques ; les deux autres traitent de c ces phénomènes plus spéciaux offerts par les organismes supérieurs et appelés psychiques. »

3º Enfin l’Évolution super-organique, dont il va maintenant aborder l’étude.

Qu’entend-il par évolution super-organique ?

De même que l’évolution organique comprend les phénomènes manifestés par un organisme individuel durant sa croissance, sa maturité et son déclin ; de même l’évolution super-organique comprend les phénomènes qui requièrent et supposent la coopération de plusieurs individus. Quand on étudie les actions coordonnées d’un groupe d’individus, actions dont les effets dépassent en grandeur et en complexité ceux que pourraient produire les individus isolés, on étudie l’évolution super-organique.

Cette évolution, à son tour, est de plusieurs espèces, selon les différentes espèces d’organismes parmi lesquels elle se manifeste.

Ainsi les sociétés des insectes, des abeilles par exemple ou des termites, nous offrent déjà le spectacle de la coopération et de la division du travail, phénomènes super-organiques d’un degré inférieur, mais dont les résultats sont assurément d’une grandeur et d’une complexité que des efforts isolés ne sauraient atteindre.

Mais les vraies formes rudimentaires de révolution super-organique sont celles que l’on rencontre chez les types supérieurs de vertébrés. La cohésion, la coordination, la division des fonctions, sont remarquables dans certaines communautés d’oiseaux, chez les freux par exemple. D’autre part, les mammifères qui vivent par troupes, non-seulement sont unis et associés, mais offrent déjà une sorte d’organisation gouvernementale, suprématie du mâle le plus fort sur le troupeau tout entier, coopération, soit pour l’offensive chez les animaux chasseurs, soit pour la défensive chez les animaux chassés. M. Spencer mentionne les buffles, dont les mâles s’unissent durant la saison où les vaches vêlent, pour les défendre contre les loups ; il cite aussi les castors, et surtout nombre de Primates remarquables par « leurs sentiments sociaux » et leurs actions combinées.

Toutefois, il reconnaît que ces formes de l’évolution super-organique sont relativement insignifiantes et presque indignes d’être mentionnées tant elles sont dépassées en étendue, en complexité et en importance