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ANALYSES. — horwicz.Wesen und Aufgabe der Philosophie.

exemples, n’a-t-il pas essayé, à ses risques et périls, de nous montrer la voie à suivre ? Un pareil effort, en dehors même de toute conclusion affirmative, eût achevé de mettre en lumière ces rapports que notre auteur a si bien saisis entre les sciences et la philosophie. Ce sont là des lacunes tout à fait regrettables : M. Horwicz se contente d’affirmer au nom de l’unité intime de notre pensée la possibilité de résoudre ces problèmes et d’arriver par les routes différentes de la physique, des mathématiques, de la physiologie et de la psychologie à l’explication définitive de l’espace, de la force, de la matière et de l’esprit.

Cette importance des sciences naturelles au regard de la philosophie n’est point contestable. Elle ne doit point cependant, comme il arrive, faire oublier que l’étude de l’esprit en lui-même et dans ses manifestations est le complément indispensable de toute étude de la nature. Or la philosophie revendique en propre ces études que l’on appelle la psychologie, l’esthétique et la morale. Ce n’est pas que ces sciences elles-mêmes n’empruntent beaucoup aux sciences historiques ou naturelles : mais leur domaine est avant tout le fief de la conscience humaine. La psychologie, liée étroitement à la physiologie, ne doit guère à celle-ci que des indications sur les problèmes nouveaux à éclaircir au point de vue de la conscience. L’éthique, suite inséparable de la science ethnologique, est cependant, par ses principes, un système purement rationnel. L’esthétique, appelée à profiter des résultats de l’histoire générale de l’art et de la littérature, est avant tout une dépendance de la psychologie. La psychologie joue ainsi un rôle capital ; elle est vraiment le nexus vitalis de tout le développement scientifique. Ce n’est point par hasard que l’astronome Zœllner, dans son traité sur les Comètes, s’est donné la peine d’entreprendre une théorie de la connaissance. Une critique approfondie des limites de la connaissance humaine, de ses formes, des concepts et des catégories de l’entendement purifie, en la précisant, notre connaissance du monde extérieur. La conclusion à tirer de ce fait, établi par les grandes révolutions intellectuelles de l’humanité, c’est que toutes les sciences sont reliées entre elles de deux manières : matériellement, par l’affinité ou l’union indissoluble de leurs objets, et formellement, par la ressemblance des opérations mentales dont elles sont les produits.

La philosophie, qui juge en dernier ressort des résultats obtenus dans chaque ordre d’études, a donc de nos jours une nouvelle carrière à parcourir. Il lui faut reprendre l’œuvre entreprise par tant de grands esprits : Platon, Aristote, Descartes et Kant, en mettant à contribution les découvertes des sciences positives et des sciences philosophiques. Ce qu’on attend d’elle, c’est qu’elle refasse le tableau des sciences humaines au double point de vue subjectif et objectif, à l’aide d’une interprétation supérieure, métaphysique. Sans doute un esprit encyclopédique pourra seul mener à bien une tâche aussi absorbante : mais l’avenir des sciences en dépend.