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ANALYSES. — a. de quatrefages.l’Espèce humaine.

sons de placer le berceau de l’espèce humaine est la vaste contrée de l’Asie centrale « entourée au sud et au sud-ouest par l’Himalaya, à l’ouest par le Bolor, au nord par l’Altaï, à Test et au sud-est par le Kingkhan et le Kuen-Loun. » Aucune autre région ne présente une semblable réunion des types humains extrêmes distribués autour d’un centre commun ; aucune n’offre non plus un tel rapprochement des trois formes fondamentales auxquelles se ramènent toutes les langues. C’est donc là que se seraient multipliés les premiers hommes, « jusqu’au moment où les populations ont débordé comme d’une coupe trop pleine et se sont épanchées dans toutes les directions. »

Il faut donc expliquer le peuplement du globe par des migrations. — Les migrations par terre sont bien connues, et l’exode célèbre des Kalmouks du Volga en fournit un exemple si remarquable, que personne ne songerait plus à en nier la possibilité ; mais les migrations par mer sont encore contestées par les partisans de l’autochthonie des peuples.

M. de Quatrefages, prenant, comme il dit, « le taureau par les cornes, » établit que la Polynésie, cette région que les conditions géographiques semblent isoler du reste du monde, a été peuplée par voie de migration volontaire et de dissémination accidentelle de l’ouest à l’est. Ces migrations, parties de l’île Bourou, il montre qu’on peut en retracer presque sûrement l’histoire et même en déterminer à peu près la date. Ainsi l’arrivée des Tongans aux Marquises aurait eu lieu vers l’an 419 de notre ère ; celle des Taïtiens aux Sandwich vers 701, etc. — Dans l’immense majorité des cas, ces arrivants ont trouvé désertes toutes les terres où ils ont abordé. On avoue néanmoins qu’ils ont « rencontré sur trois ou quatre points des tribus peu nombreuses, de sang plus ou moins noir. » Nous voudrions que l’auteur eût rendu compte plus explicitement de la présence de ces tribus, qui semble laisser une porte ouverte aux « autochthonistes. »

Il est pourtant difficile, en somme, de ne pas accepter sa conclusion, lorsque, après avoir prouvé que l’Amérique aussi avait reçu, longtemps avant l’arrivée de Colomb, des populations non-seulement asiatiques mais européennes, par d’incontestables migrations chinoises, japonaises et Scandinaves, — il cite, pour terminer, ces paroles de Lyell : « En supposant que le genre humain disparût en entier à l’exception d’une seule famille, fût-elle placée sur l’Océan ou sur le Nouveau Continent, en Australie ou sur quelque îlot madréporique du Pacifique, nous pouvons être certains que ses descendants finiraient dans le cours des âges par envahir la terre entière, alors même qu’ils n’atteindraient pas un degré de civilisation plus élevé que les Esquimaux ou les insulaires de la mer du Sud. »

Mais il reste à prouver que l’espèce humaine était susceptible de s’acclimater et de se naturaliser partout où nous la rencontrons, ce qu’ont nié souvent les polygénistes. Par une étude rapide de l’influence du milieu sur l’homme et des conditions de l’acclimatation, M. de Qua-