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Qu’on ne croie pas néanmoins que la métaphysique de Dumont puisse se ramener à un atomisme ou à un dynamisme purement mécanique, physique ou chimique. Partant de cette idée que l’inconnu doit être, jusqu’à preuve du contraire, supposé analogue au connu[1], il arrive à une espèce de spinozisme suivant lequel toute force présente une double face — mouvement et conscience — de sorte que « tous les phénomènes de l’univers, y compris la matière, ne seraient eux-mêmes que des sensations se groupant, se séparant, se combinant de différentes manières au sein de la substance absolue qui est Dieu ou l’espace ; quand ces sensations s’organisent en une certaine synthèse, elles constituent la conscience humaine, série de groupes de sensations élémentaires s’agitant suivant des conditions particulières au milieu de l’immensité, recevant des impulsions ou perceptions d’autres groupes, transformant la force reçue et réagissant au dehors. In Deo movemur et sumus. » L’inconscience, est dans le sens subjectif ce qui correspond au vide dans le sens objectif[2] ; si l’inconscience n’existait pas, « le moi humain, pris dans, n’importe quelle individualité, serait l’univers tout entier. » Il y a donc deux espèces d’existences, l’une consciente, l’autre inconsciente. « La première est matière dans le sens objectif, sensation dans le sens subjectif ; la seconde est le vide ou la négation de la force. La première est la phénoménalité positive ; la seconde, la phénoménalité négative. » « Le moi est une série particulière de faits cérébraux ; et, par suite de certaines conditions de discontinuité, les autres faits cérébraux, bien que conscients en eux-mêmes, restent en dehors de la série du moi et en sont complètement ignorés[3]. » Autre part il semble dire que le moi est l’organisation en nous de sensations élémentaires en « conscience intelligente[4]. » Autre part encore, le moi n’est qu’une somme de sensations successives et simultanées[5]. Dumont, comme on le voit, tente une solution des plus graves problèmes que l’homme puisse se poser. Je ne vois pour ma part aucune difficulté à admettre partout la vie, la sensibilité, la conscience ; je veux bien que toutes les actions soient conscientes en elles-mêmes et non inconscientes d’une manière absolue, et que dans l’anesthésie la conscience reste moléculaire[6]. Mais là n’est pas toute la question. Il s’agit maintenant de savoir quel rapport, comme dit M. Bouil-

  1. Revue scient., 21 mars 1874, p. 888.
  2. Ibid., p. 809. et Théorie de la sensib. p. 112.
  3. Ibid., 16 janvier 1875, p. 674 ; 8 janvier 1876 : L’action réflexe cérébrale, p. 29.
  4. Théorie de la sensib., p. 111.
  5. Revue scientif., 8 nov. p. 1873, p. 445.
  6. Ibid., 16 janvier 1875, p. 676.