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peu suspect que M. Francisque Bouillier porte sur cette partie de l’œuvre du jeune philosophe : « Il faut faire honneur à M. Dumont, dit-il, d’avoir, à notre avis du moins, plus approché de la vérité que la plupart des anciens et des modernes qui ont tour à tour essayé de résoudre ce petit problème psychologique, non moins difficile qu’intéressant[1] ».

J’aurais à apprécier Dumont comme métaphysicien et comme critique ; mais il est difficile de séparer chez lui ces deux qualités. Dans ses derniers articles surtout, c’est à travers ses idées qu’il juge les ouvrages des autres philosophes. On ne trouvera donc pas mauvais que j’expose avec certains détails les principes qui le guidaient dans ses appréciations. J’aurai d’ailleurs ainsi l’occasion de passer en revue une grande partie des écrits qu’il nous a laissés.

« La philosophie de M. Hodgson, dit-il quelque part[2], ne nous paraît pas suffisamment homogène… Nous pensons qu’en empruntant ainsi de différents côtés les matériaux de sa philosophie, M. Hodgson n’a pas pris assez de soin pour les concilier et se mettre en accord avec lui-même. Les doctrines qui présentent, surtout au point de vue métaphysique, des aperçus d’une profondeur incontestable, auraient néanmoins besoin, selon nous, d’une élaboration plus complète. » Ce jugement s’applique de tous points à son auteur. Dumont se proposait, paraît-il, cette année même, d’ébaucher ce système de ses idées sur les questions philosophiques[3]. Il avait sur l’espace une théorie qui lui permettait, dit-il, d’exposer d’une manière nouvelle, notre croyance à l’existence du monde extérieur[4]. Mais la mort est venue couper court à ces projets.

Il est malheureusement très-difficile de reconstituer un système suffisamment enchaîné et logique avec tous les fragments métaphysiques épars dans ses articles et dans ses ouvrages. Dans sa Théorie de la sensibilité il en donne un résumé en somme très-peu explicite et qui lui a valu de la part de M. Bouillier[5] et de M. Marion[6] des critiques qui n’étaient pas tout à fait imméritées. Pour lui, la vérité est chose relative : c’est la force avec laquelle une notion s’impose à notre esprit[7] ; mais, deux pages plus loin, il reconnaît que l’hypothèse n’est que provisoire, en attendant une explication véritable qui la rend inutile et qui est toujours unique ; et la science

  1. Revue philosophique, I, 445.
  2. Revue scientifique, 21 mars 1874.
  3. Revue philosophique, février 1877, p. 224.
  4. Ibid., juin 1876, p. 614.
  5. Ibid., mai 1876.
  6. Revue polit, et lit., 24 juillet 1876.
  7. Théorie de la sensib., p. 1.