Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, III.djvu/582

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
572
revue philosophique

L’espèce considérée en dernier lieu se divise dès lors en trois variétés, qui donnent les cas suivants, lorsque le nombre des dimensions est trois.

1° Cas où la courbure est nulle : c’est celui de notre espace ;

2° Cas où la courbure est positive : espace sphérique de Beltrami ;

3° Cas où la courbure est négative : espace pseudosphérique de Beltrami.

Nous retrouvons donc ici dans un même groupe les trois géométries que nous avons rencontrées dans les travaux de Beltrami et de Klein ; mais nous voyons en même temps que ce groupe est tout particulier parmi une infinité d’autres géométries semblables qu’on pourrait constituer analytiquement, en choisissant d’autres fonctions pour lier la distance aux coordonnées.

En résumé, Riemann a établi une classification logique des grandeurs et il a déterminé la place occupée dans cette classification par la notion de l’espace.

Mais nous aurions donné une analyse très-insuffisante de son mémoire au point de vue philosophique, si nous ne signalions pas avec quelle hardiesse il s’élève contre le préjugé que cette détermination des espèces et variétés où se range l’espace peut se faire à priori.

S’agit-il de la première subdivision du genre grandeur, il écrira : « Dans une variété discrète, le principe des rapports métriques est déjà contenu dans le concept de cette variété, tandis que dans une variété continue, ce principe doit venir d’ailleurs. Il faut donc, ou que la réalité sur laquelle est fondé l’espace forme une variété discrète, ou que le fondement des rapports métriques soit cherché en dehors de lui, dans les forces de liaison qui agissent en lui. »

Un peu plus loin, il élèvera un doute formel contre la certitude que nous avons de l’indépendance des corps et des lieux, certitude dont la base est d’ailleurs purement empirique ; les expériences que nous pouvons faire montrent à la vérité que cette indépendance existe sensiblement pour les grandeurs comparables à la nôtre et pour celles qui la dépassent de beaucoup. Mais on ne peut de là rien conclure de précis pour les grandeurs très-inférieures. « Il semble, ajoute-t-il, que les concepts empiriques sur lesquels sont fondées les déterminations métriques de l’espace, le concept du corps solide, et celui du rayon lumineux, cessent de subsister dans l’infiniment petit. Il est donc très-légitime de supposer que les rapports métriques de l’espace dans l’infiniment petit ne sont pas conformes aux hypothèses de la géométrie, et c’est ce qu’il faudrait effectivement admettre, du moment où l’on obtiendrait par là une explication plus simple des phénomènes. »