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tage des droites ; la définition qu’il a admise pour la droite ne représente donc pas exactement les données de l’intuition. Euclide a tourné la difficulté par son postulatum ; mais il ne faut pas croire qu’il ne s’agirait que de trouver une meilleure définition. Telle que les géomètres ont le droit de l’exiger, c’est-à-dire en s’abstenant de toute notion concrète, cette définition est en effet impossible. La comparaison de la géométrie euclidienne avec la géométrie pseudosphérique montre qu’elle ne pourrait être obtenue qu’en énonçant avec une première propriété commune aux deux géométries, une seconde propriété n’ayant lieu que dans la première ; resterait donc à démontrer dès lors que ces deux propriétés appartiennent bien à la même ligne, ce qui ne peut se faire à priori ; car les géomètres, au point de vue subjectif, pourront toujours regarder comme vraie l’hypothèse contraire. En résumé, la notion concrète de la ligne droite est, comme celle de notre espace à laquelle elle est intimement liée, un complexe de notions logiques distinctes dont l’origine ou tout au moins l’association sont foncièrement empiriques.

VI

Les travaux des novateurs depuis Beltrami appartiennent surtout à la géométrie imaginaire proprement dite. Notre tâche devient ici plus difficile et nous devons réclamer toute l’indulgence du lecteur.

Les métaphores de la géométrie à dimensions peuvent être saisies par tout esprit habitué à reconnaître les analogies ; mais les métonymies de la géométrie imaginaire exigeraient pour tout profane un commentaire hors de proportion avec l’intérêt que la question peut présenter sur lui. Je ne prétendrai donc pas les expliquer ; je voudrais seulement essayer de donner un aperçu, si vague qu’il soit, sur la tendance des travaux dont il s’agit, et, ne fût-ce qu’à titre de curiosité, un spécimen du langage qu’on y parle.

On trouve dans Beltrami, comme nous l’avons déjà indiqué, au moins pour les géométries à deux dimensions, un essai de représentation sur le plan.

Considérons une sphère et le plan tangent en un point que nous appellerons pôle. Supposons que l’on projette sur ce plan tous les points de l’hémisphère auquel appartient ce pôle par des droites issues du centre de la sphère. A chaque point du plan correspondra un point de l’hémisphère et un seul ; à chaque ligne tracée sur l’une des deux surfaces une ligne tracée sur l’autre ; et même à chaque