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fondamentales de la géométrie ordinaire[1], soit à celles de la géométrie non-euclidienne[2]. On comprend également comment ces rapprochements mêmes ont entraîné entre ces trois théories une sorte de confusion, que nous avons essayé de dissiper en remontant, pour chacune d’elles, à son point de départ véritable.

L’ordre logique[3] nous amène à parler en premier lieu des travaux de Beltrami, et en particulier du Saggio di interpretazione della geometria non-euclidea[4] ; mais pour mettre suffisamment en lumière les résultats de cet important mémoire, nous sommes obligés d’exposer avant tout ce qu’on entend dans la géométrie ordinaire par courbure des lignes et courbure des surfaces.

Une ligne courbe a, en général[5], pour chacun de ses points, une droite qui y est tangente, et une seule. Cette tangente est la limite des positions que prend une sécante passant par le point considéré, lorsqu’un point d’intersection voisin se rapproche indéfiniment du premier. On exprime la même idée sous une forme moins exacte, mais familière aux géomètres, en disant que la droite a avec la courbe deux points communs infiniment voisins.

Tout cercle tangent à la droite au point de contact y est également tangent à la courbe. Ces cercles sont donc en nombre indéfini ; car ils peuvent être situés dans un quelconque des plans passant par la droite, et dans chacun de ces plans leur rayon a une valeur arbitraire.

Mais si l’on imagine un de ces cercles tangents coupant la courbe en un point voisin donné, ce cercle sera entièrement déterminé, et si l’on suppose que ce point voisin se rapproche indéfiniment du point de contact, le cercle tendra vers une position limite définie qui est celle du cercle dit osculateur ou de courbure au premier point considéré. On dit encore autrement que le cercle osculateur

  1. C’est le cas d’un travail que nous avons déjà cité. M. Camille Jordan, Bulletin de la Société mathématique de France. Tome III, p. 104.
  2. C’est le cas du mémoire posthume de Riemann que nous examinerons plus loin.
  3. D’après l’ordre chronologique, nous devrions commencer par le mémoire de Riemann (Ueber die Hypothesen welche der Geométrie zu Grande liegen. Abhandl. der königl. Gesellsch. zu Göttingen, Bd XIII.) Ce mémoire, lu par l’auteur le 10 juin 1854 à la Faculté philosophique de Gœttingue, à l’occasion de ses épreuves d’admission, n’a été publié qu’après sa mort, en 1867. C’est le véritable point de départ des travaux postérieurs de la géométrie non-euclidienne. Mais son caractère tout spécial nous l’a fait réserver pour la fin de cette étude. C’est au reste Beltrami qui a le premier démontré les propositions analytiques énoncées par Riemann. (Teoria fondamentale degli spazii di curvatura contante. Milano, Zanetti Francesco, 1868.)
  4. Napoli. 1868.
  5. Il peut y avoir exception pour des points dits singuliers ; cette remarque s’applique à tout l’exposé qui suit.