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presque à elle seule la philosophie théorique de l’auteur. Cependant, il importe de se placer maintenant à un point de vue plus exclusivement psychologique. Si en essayant de distinguer les catégories de nous-même, autant que cela se pouvait faire, nous paraissons avoir obtenu et avons obtenu en effet des résultats d’une grande importance, ce n’est qu’en rentrant en nous pour les étudier in concreto, que nous verrons briller en pleine lumière les lois de distinction et de concordance qui ont été posées, et que nous résoudrons définitivement le problème de la liberté resté jusqu’ici sans réponse, et celui de la certitude qui ne peut être tranché à priori : d’ailleurs, les deux problèmes n’en font qu’un, comme je l’ai dit.


La psychologie ramène sous une autre forme, cette fois plus précise et plus nette, sur un terrain circonscrit, la question du transformisme et de l’évolution. Que de tentatives n’a-t-on pas faites pour essayer de montrer que le moral se ramène au pur physiologique et que toute démarcation essentielle est impossible à fixer entre l’homme et l’animal !

M. Renouvier nie moins que tout autre l’existence de rapports marqués entre l’homme et la bête : il est aussi opposé que possible à la théorie des animaux machines de Descartes ; il montre, avec une grande finesse d’analyse, le jeu des catégories dans la connaissance animale ; mais, dit-il, la spécificité de l’être humain n’en est pas moins un fait incontestable.

« Il ne paraît pas douteux que l’animal ne compare, c’est-à-dire ne perçoive des rapports : il compose les phénomènes, puisqu’il se détermine selon les synthèses qui lui sont présentées, et il les analyse, puisqu’il les distingue, et qu’un objet joint à un autre ne l’empêche pas de reconnaître celui-ci. Enfin les rapports sont présents à sa conscience avec toute la clarté possible, et ses déterminations promptes, sûres, constantes, en sont la preuve. Tout cela est de l’animal comme de l’homme. Mais rapporter des rapports, en tant que tels, à la conscience ; les concevoir par l’abstraction d’éléments naturellement inhérents ou adhérents, ou même d’une manière tout à fait indépendante et générale ; en comparant, se représenter la comparaison même et distinguer, composer les rapports ainsi abstraits, au lieu des groupes naturels ou immédiats, c’est le fait de l’homme seul. La comparaison a, sous ce point de vue, une autre portée, et la conscience, même en négligeant ici ce qui dépend de la volonté, obtient un développement tout nouveau, définissable par ce fait : qu’eux elle se posent, déterminés comme en soi, les phénomènes mêmes qui se caractérisaient d’abord comme soi, et qu’elle les sou-