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naville. — hypothèses sérieuses

de celui qu’occupait la somnambule était inhabité. Un voisin informé de ce qui se passait, observa que, lorsque la samnambule présentait ses phénomènes extraordinaires, ou, selon l’expression dont elle usait, avait ses lumières, on voyait en effet des lumières matérielles dans l’appartement inhabité. On est arrivé, en partant de cette observation, à la conjecture plausible que la somnambule lisait sous ses couvertures au moyen d’une étincelle électrique obtenue par une pile disposée dans l’appartement au-dessous du sien. Je ne me rappelle pas si la chose a été vérifiée avec certitude, mais dans tous les cas, le soupçon fut assez fort pour invalider totalement l’observation faite.

Aux fraudes qui peuvent avoir un but intéressé, s’en joignent d’autres dont la vanité est la source. Sous l’empire de ce sentiment, les malades qui présentent des phénomènes rares, les femmes surtout, sont fort enclins à mêler des éléments fictifs à ceux de la réalité. On comprend que des hommes sérieux, lorsqu’ils ont été gravement trompés, ou savent de science certaine que d’autres l’ont été, répugnent à l’examen des phénomènes extraordinaires qu’on leur signale. Le rejet à titre d’hypothèses impossibles de faits contraires aux lois connues de la nature est une règle de prudence bonne pour la pratique ; mais, en théorie, un fait bien constaté prévaut contre toutes les lois de la science, et il faut être très-retenu dans les jugements qui supposent que les lois de la nature nous sont si bien connues qu’elles peuvent prévaloir contre des témoignages sérieux. Il y a ici une question de proportion entre le caractère invraisemblable d’un fait et la valeur des indices qui tendent à l’établir ; j'éclaircirai ceci par un exemple.

On a souvent affirmé que la volonté peut produire un mouvement sans l’intervention directe de l’action musculaire : je parle des expériences qui ont été à la fois illustrées et compromises par les tourneurs de tables. Le fait, s’il est exact, est en contradiction avec l’ensemble des phénomènes observés. S’il n’est affirmé que par des hommes incompétents, et manifestement enclins à la superstition, le savant qui refuse d’en prendre connaissance obéit à une règle de conduite pratiquement justifiable. Mais voici qu’un homme sérieux, M. Crookes ; qui s’est fait un nom dans la chimie par la découverte du thalium, et qui vient de publier des observations fort remarquées sur l’action mécanique de la lumière, appelle l’attention du monde savant sur les faits de cet ordre[1]. Son autorité sans doute est très-

  1. Expérimental investigations on Psychic force, by William Crookes. London, 1871.

    Psychic force und modem spiritualism, by William Crookes. London, 1872.